J’avais promis plusieurs rapides critiques de mes récentes lectures. En voici trois, dans l’ordre de lecture.
Premier roman de Lionel Dricot, alias Ploum, mais lu après son recueil de nouvelles, Stagiaire au spatioport Omega 3000 et autres joyeusetés que nous réserve le futur.
C’est un roman d’anticipation qui est composé de tout ce qui tient à cœur au militant pro liberté numérique qu’est Ploum. Au fil d’un récit échevelé, parfois1 décousu, l’auteur nous dépeint un futur dystopique qui ferait pâlir Philip K. Dick. Entre les publicités ciblées qui attaquent directement la rétine à travers une prothèse digne des rêves les plus humides de Google2, l’impression 3D poussée au-delà de son extrême, des déclinaisons diverses et pas appétissantes du transhumanisme et un questionnement tout à fait légitime dans un tel univers sur la place de l’humain dans ce grand cirque technologique, toutes les cases sont cochées.
Oscillant entre un humour proche des Monty Python3 et le sérieux des sujets graves, le récit se tricote en un rythme parfois étrange, notamment à cause des phases où le narrateur change. Néanmoins, l’auteur ne perd jamais son lectorat et termine sur une apothéose qui m’a vraiment surpris.
À part la phrase de postface, toute sibylline :
Suite à paraitre : Scanneurs par Ploum.
Sachant que Printeurs est sorti fin 2020, la question qui pique est : à quand la suite ?
Ce livre est l’un des deux premiers empruntés à la médiathèque de Venelles.
Est-ce bien raisonnable de casser du sucre sur le dos de l’auto-édition ‽ Je n’ai fondamentalement rien contre le principe. Il faut juste pondérer le fait que certaines plateformes d’autoéditions profitent de leurs « clients », et que, à l’instar de la scène musicale ou vidéoludique, il se produit un bruit de fond dans lequel il faut parvenir à piocher de rares pépites.
Spoiler : Ce livre n’est pas un joyau.
La quatrième de couverture m’a vendu du rêve :
Un gouffre souterrain ayant la forme d’un cube parfait… Une tablette en pierre gravée il y a des milliers d’années par celui même qui la découvre… Une invitation à se rendre dans un système solaire lointain : tels sont les mystérieux indices qui vont être à l’origine d’une expédition qui va amener l’humanité loin dans l’espace et dans le temps.
Très alléchant. Sauf que ça ne tient que pour les 20 premières pages. Tout le début, avec une naïve maladresse de débutant, est plutôt sympa, et donne même l’envie d’aller visiter cette partie du Var.
Et puis, comme expliqué dans le résumé, l’auteur dévoile le contenu de la pierre gravée par le personnage principal dans la préhistoire. Le texte, donné in extenso dans le 3e ou 4e chapitre, explique tout à fait clairement tout ce qui va se passer ensuite. L’auteur semble ne pas connaître du tout les concepts de suspense, de teasing ou, tout simplement, de progression narrative.
D’autant que, en poussant un peu plus loin, la raison même du voyage dans le passé n’a absolument aucune raison d’être.
Seul point un peu positif à cette histoire, la troisième partie du récit qui décrit les pérégrinations du vaisseau spatial où embarquent les copies numériques des personnages. J’ignore si l’auteur connait ces deux œuvres, mais je n’ai cessé de faire des parallèles avec l’excellente saga Nous Sommes Bob4 et le principe génial qu’on ne découvre qu’à la fin5 de l’excellent jeu de Frictional Games SOMA.
Mais, honnêtement, ça ne suffit pas. De bonnes idées déjà exploitées avec infiniment plus de talents, aucun enjeu6 et une résolution sans aucune saveur.
On n’est pas au niveau de foutagdegeule d’un Pyramides, mais pas loin.
Ce livre est l’autre que j’ai emprunté à la médiathèque de Venelles.
Je ne ferais l’affront à personne en présentant l’auteur et son œuvre. J’aime beaucoup HPL, j’ai grandi avec ses nouvelles effrayantes7 et j’ai même commencé à écrire en copiant son style.
Les montagnes hallucinées est, parmi mes récits de l’auteur de Providence, l’histoire que je préfère et que je relis volontiers. Tomber sur sa couverture dans les rayonnages de la médiathèque a été l’occasion attendue.
Je vais donc faire court. J’ai retrouvé le même plaisir8 à (re)découvrir ce récit d’exploration fantastique et plein de terreurs, mis à part peut-être la même difficulté que lorsque je relis du Jules Vernes ; mais bon sang de ██████████ de ██████████ de sa petite █████, ça mesure combien une fichue lieue ?
Et, bien entendu, à chaque fois que je me replonge dans les Montagnes, je repense au projet avorté de Guillermo del Toro de l’adapter au cinéma, et mon index se crispe sur la gâchette imaginaire du fusil de sniper que j’ai mentalement braqué sur pépé Ridley Scott.
Par contre, cette édition est illustrée par Olivier Subra. Oui, je sais. C’est une question de goût personnel. Mais vraiment, j’ai été déçu. Ça ne m’a rien évoqué, je n’ai pas trouvé l’ambiance que le récit méritait. Dommage. Fort heureusement, ça ne gâche pas la lecture.
volontairement↩︎
Assez proche de ce qui est dépeint dans Minority Report.↩︎
Ou de Terry Pratchett, mais c’est un peu pareil.↩︎
La trilogie du Bobivers : Nous sommes Bob / Nous sommes légion / Tous ces mondes de Dennis E. Taylor. À lire absolument. Je ferais une interro surprise.↩︎
Avec toutes les implications morales et philosophiques que ça implique.↩︎
Y’a bien une tentative de sabotage et deux terroristes, mais l’auteur évacue la menace en deux paragraphes, en évitant soigneusement que les personnages principaux se salissent les mains. Incroyable.↩︎
Pour moi, ce n’est pas horrifique, mais terrifiant. La nuance est grande.↩︎
Exception faite de la version de Gou Tanabe. Voir ce billet.↩︎