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Pour ma propre santé, j’ai décidé de changer de régime. Je vais en pratiquer un à base de fer. Dans la tête des gens, de préférence.
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— C’est la faute à la satiété ! criait-elle en manifestant, légèrement dyslexique.
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J’ai des carences dans à peu près tout. Certains disent d’ailleurs que ce sont plutôt des lacunes. Mais j’ai également une carence en vocabulaire.
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— Salut, bonjour, qu’est-ce que tu fiches là ?
— Ben, je suis en train de changer la serrure de…
— Je sais, je suis ni con ni aveugle. Mais pourquoi une serrurière ?
— Heu. Parce que c’est mon métier. Et parce que je suis une femme, non ?
— Je veux dire, pourquoi toi dans une liste objectivement dédiée à la nourriture et aux régimes ?
— Ah merde. T’es si en manque d’inspiration que t’as juste trouvé cette pauvre astuce de 4e mur pour t’en sortir ?
— Oh, ça va hein…
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Le professeur Icqkssezède était un grand solitaire. Mais ses travaux sur la mécanique quantique intriguaient grandement ses collègues et la société scientifique. Au point que, sans son consentement, une revue publia un dossier sur son travail avec le titre suivant : « Dépassée, la théorie des cordes. Place à la théorie des lasagnes ! »
Hélas, le rédacteur s’était un peu précipité. Le professeur Icqkssezède cherchait simplement le réglage optimum pour réchauffer son plat surgelé au micro-onde.
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Il connaissait bien le conte du Petit Poucet. Et pourtant, devenu adulte, il n’aurait pas imaginé un instant que cette astuce puisse marcher. Surtout à l’envers.
Il avait émietté des pains à burger depuis le lotissement résidentiel jusqu’au fin fond de la forêt sauvage, non loin de là.
À ce jour, 17 enfants restaient introuvables.
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Lorsqu’on a déjà rencontré des représentants de l’espèce Fragaria Rosaceae Sapiens, et qu’on en est sorti vivant et à peu près indemne, la phrase : « Vazy, ramène ta fraise ! » peut donner des sueurs froides, voire déclencher des ESPT.
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Je t’ai cuisiné mon plat préféré ; ma chérie.
Dommage que tu ne sois plus là pour me dire ce que tu en penses. Mais je suis ravi que tu le partages une dernière fois avec moi.
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— Tu as acheté … QUOI ?‽!
— Une planète…
— Faite intégralement de purée ?
— C’était une aubaine.
— Bah tu m’étonnes. Qui de sensé achèterait une telle absurdité ?
— On peut en tirer partie.
— Épate moi.
— Ben on peut y installer une usine pour emballer des portions et les vendre en supermarché.
— Incroyable.
— Ou mieux. On la désorbite pour l’approcher du soleil et en faire un gratin.
— T’as vraiment pensé à tout, hein ?
— Presque. Je suis en négociation pour acheter une planète faite de rosbif.
— Ah, bah, oui. Logique.
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Notre première rencontre avec des êtres extra-galactiques fut étrange. Les représentants de cette race insolite s’avérèrent panivores. Cela ne plut pas du tout à la population qui s’est vite insurgé contre « ces estrangers qui viennent ôter le pain de la bouche des honnêtes terriens ». Étrangement, ils refusaient catégoriquement de toucher au pain de mie.
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Les platistes avaient fait long feu. Les complotistes étaient passé à autre chose. Mais tous se jetèrent sur cette nouvelle théorie : la Terre avait la forme d’un écumoire.
On ignorait encore la quantité de spaghetti qui allait y être essorée.
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Tout le gratin de la tech et de l’investissement s’était réuni dans la salle dont la baie vitrée donnait sur le pas de tir. Egon Murst pavoisait sur les avancées technologiques qu’il avait contribué à apporter à son nouveau lanceur (en omettant de préciser qu’il avait consciencieusement pillé le travail d’anonymes subordonnés).
Lorsque le compte à rebours atteignit le zéro, le lanceur se désintégra, ravageant l’ensemble du pas de tir et carbonisant les spectateurs.
Le gratin n’avait jamais aussi bien porté son nom.
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Ils ont mal compris. C’est comme cela que la guerre a éclatée. Confondre un pays et un plat homonyme, faut vraiment pas venir de cette planète pour en arriver là. Alors, forcément, lors du banquet inaugural de la première ambassade Zegemienne sur Terre, lorsqu’ils nous ont servi en entrée une salade de macédoniens coupés en petits cubes, ça a été un choc, une claque, un coup de massue.
Et, franchement, ce qui a mit le feu aux poudres, c’est de savoir qu’en dessert on allait avoir des crêpes Suzette.
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— Sur cet appareil, le carburant est un mélange hautement volatil de deux composés instables. Ils sont extrêmement toxiques lorsqu’ils sont séparés, et incroyablement dangereux lorsqu’ils sont amalgamés.
— Ça fait un peu peur, votre truc.
— C’est pour cela que leur stockage, livraison et remplissage dans vos réservoirs demandent autant de précautions.
— Et que ça coûte un bras robotique.
— Mais reconnaissez leur efficacité. Un plein par an alors que vous faites régulièrement des allers-retours lune et la ceinture de Kuiper, c’est quand même confortable.
— J’admet. Par contre ce qui est étrange, c’est cette odeur de vanille…
— Ah, oui, le mélange provoque ce parfum. On n’a jamais compris pourquoi. Par contre, méfiez vous. Si ça commence à sentir le chocolat…
— Oui ?
— Évacuez immédiatement.
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C’était rigolo de se dire que nous racontions la même chose à nos enfants, nous les humains et eux les Skreeksees :
— Ne mange pas trop de sucreries, sinon tu vas grossir et finir par éclater !
Ce qui était moins drôle, c’est que pour les Skreeksees, c’était une réalité.
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— Ça a le goût de cerise…
— Pas du tout. Pour moi, c’est du poulet.
— Non. Définitivement de la cerise. Griotte. Un peu mûre.
— Poulet grillé avec des aromates.
— Vous dites n’importe quoi. Pour moi c’est carrément des chips au vinaigre.
— Beurk.
Nous n’avons jamais pu nous mettre d’accord. Mais une chose était sûre. Quel que soit le goût qu’avaient réellement les Skreeksees, ces hideux aliens vindicatifs et envahissants, ils étaient rudement bons.
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Soda light, chips light, chocolat light, burger light, tout est light light light.
Je suis tellement light que j’ai la tête légère. Je pourrais presque m’envoler.
Mais je suis trop faible pour cela. Je ne peux même plus me lever de mon lit.
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— Ces plats sont trop riches !
— Il faut les taxer !
— Pardon ?
— Regarde cette meringue ! Suppôt du grand capital !
— Non mais t’es pas…
— Et ce chapon en sauce aux morilles ! C’est un pantin de l’oligarchie !
— T’as bu ?
— Certainement pas, je ne vais pas toucher au vendu des multinationales qu’est ce Saint-Émilion Grand Cru !
— OK. Comme tu veux. Ça m’en fera plus. Bon appétit !
— Hein ? Non mais attend !…
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Notre communauté de deep-VR est installé dans le sous-sol de l’entreprise à qui nous louons nos caissons d’immersion. Cela fait maintenant plus de 5 ans que j’ai rejoint ma nouvelle famille, et je ne suis pas le vétéran. Nos corps reposent dans ces capsules hi-tech où tous nos besoins physiques sont gérés par une IA.
Le service est premium, mais j’ai quand même un doute… nos corps sont alimentés par perfusion, mais avoir le choix du plat en intraveineuse, avec représentation sensorielle simulée, c’est un peu excessif. Surtout pour le prix.
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— Il joue la comédie.
— Nan, je crois pas.
— Je te dis que si.
— Enfin, regarde ! Y’a un bout de tête là, le reste est contre le mur en face, et on patauge dans ses boyaux. Il est mort !
— J’en sais rien. C’est fourbe, ces trucs là.
— T’es juste parano, MacReady.
— Ah ouais ? Et si on faisait un petit test sanguin, t’en dis quoi ?
— Ne joue pas à ce petit jeu avec moi, voilà ce que j’en dit.
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Le vaisseau en forme de cruche s’était mis en orbite basse pour réparations. Les drones qui parcouraient sa coque afin d’évaluer les dégâts relevaient de nombreuses fissures, impacts et fuites de liquides.
Quelle idée, aussi, de construire un vaisseau spatial en terre cuite…
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— Clique sur le menu, en haut à gauche. Non, tout en haut. Un peu en dessous. Voilà. Là tu choisis… Non, recommence, tu as cliqué dehors. Voilà. Maintenant cliques sur «Envoyer…». Non, cliques une fois, pas la peine d’insister. Maintenant tu confirmes l’envoi. Cliques sur «OK». Le bouton, «OK» ! Y’a qu’un bouton, tu peux pas te tromp… bravo ! Voilà, t’as envoyé un mail. Alors, t’en penses quoi ?
Le skreeksee ouvrit la paume de sa main à 7 doigts. Un orbe éthéré sembla s’épanouir. Il dit à l’humain :
— Pense à un message et un destinataire.
L’humain s’exécuta. L’orbe scintilla et fit apparaitre des glyphes qu’il reconnu comme une confirmation.
— Putain, t’as raison. En matière d’UI/UX on est vraiment à la ramasse…
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Faire de l’humour dans un moment pareil, y’a qu’un cerveau humain pour y arriver. Ça fait tellement de jours que j’erre dans ce désert que j’ai cessé de les compter. Je combat la soif comme je peux, en récoltant quelques gouttes de rosée au point du jour.
Mais je n’ai rien avalé de solide, de consistant depuis tellement de temps que je me suis écroulé, incapable de me relever.
Alors, autant le dire avec les dernières étincelles de conscience qu’il me reste : je vais mourir, c’est la faim.
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— Bonjour, je suis le représentant commercial de FluxBoot, inc. Je vous appelle pour vous faire part d’un petit changement opéré dans nos carburants.
— Ah, oui, je vous écoute.
— Vous vous souvenez que lorsque notre mélange devient instable, il sent le chocolat ?
— Ah, oui, très bien.
— Suite à une demande générale, nous avons changé le parfum. Maintenant, en cas de danger, il sentira la vanille.
— Hein ? Mais alors l’odeur ne vient pas de la cuisine ?…
[Fin de communication]
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Depuis la grande expansion, nous avons découvert que l’univers fourmille de formes de vie intelligente. Nous avons rencontré une multitude d’entités de toutes sortes, et nous nous sommes même vu offrir le privilège de siéger dans un équivalent galactique de l’ONU.
Nous nous sommes ainsi rendu compte que nous partagions beaucoup de choses, malgré nos différences physiologiques et culturelles.
Sauf l’humour. Déjà qu’entre terriens l’humour est compliqué, là c’est carrément de l’incompatibilité pure.
Et, croyez moi, ça rend souvent les discussions et débats ennuyeux, voire très embarrassants quand vous lâchez un « poil au… » par accident.
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L’artiste dont je suis le mécène devait me présenter sa dernière œuvre. Il a accueilli le petit cénacle des invités triés sur le volet pour sa révélation dans un hangar triste. Une estrade vide avait été installée au centre, et quelques tables couvertes d’amuse-gueule formaient la seule installation. Aucune œuvre en vue.
Quand je lui ai demandé quand on pourrait la voir, il m’a répondu que son œuvre était hors gabarit et ne pouvait entrer ici. Il m’a ensuite expliqué que ça faisait partie de l’œuvre en soi. En gros, il nous présentait un hors d’œuvre.
Je lui ai répondu que c’était hors de propos et que je n’étais pas loin d’être hors de moi.
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La définition d’un slogan est la suivante : « Brève formule frappante lancée pour propager une opinion, soutenir une action. »
Je ne pensais pas qu’on pouvait prendre une définition au pied de la lettre. Mais ces satanés Skreeksees, si. En combat rapproché, il leur arrive souvent de nous tancer brièvement, et leur voix est si incisive qu’elle parvient à blesser les plus endurcis d’entre nous. La plus redoutable restant à ce jour : « Ta maman aurait honte de te voir faire ça ! »
Maintenant, on combat avec des bouchons d’oreilles.
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— Chérie, tu sais où se trouve mon téléphone ?
— Sur le buffet, à l’étage.
— Et les clés de la voiture ?
— Dans le troisième placard de la chambre d’amis.
— Merci !
— Et toi, tu aurais vu mon sac à main ?
— La dernière fois, il était au fond du réduit, derrière les escaliers qui partent de la salle de bain et ne mènent à rien.
— Quand-même, je me dis…
— Oui ?
— Au final, c’était pas une bonne idée d’acheter une maison non euclidienne.
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J’entre les coordonnées dans mon ordinateur de bord. L’appareil, de sa voix veloutée et artificielle me signale que ma destination est interdite. Je rentre les codes adéquates pour lever l’interdiction. Je sais ce que je fais. Je connais la réputation de la planète LTT 15449 A, je sais pourquoi elle est inaccessible.
De nombreux pilotes s’y sont rendus depuis sa découverte. Aucun n’en est jamais revenus. Et pourtant elle est totalement inoffensive. Mais le fait que sa surface soit uniquement constituée de chocolat rend les visiteurs fous. Ils finissent tous par périr de crise de foie.
Mais pas moi. Je sais que je serais raisonnable. Surtout depuis que j’ai mes prothèses de bras.
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Manger ou être mangé, c’est la loi du plus fort, et elle est universelle.
C’est pour cette raison que l’univers n’a plus que des souvenirs anthropologiques de ce que fut le peuple des Skreeksees.
Il faut dire, quelle espérance de vie peut-on avoir lorsque l’évolution vous dote de l’aspect et du goût de merveilleuses pâtisseries ?
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