Donc, disais-je, je n’ai plus de patience. Je n’en ai jamais vraiment beaucoup eu1, mais là, spécifiquement, je parle du domaine des jeux vidéos.
J’ai récemment eu une conversation avec deux potes-collègue tous deux bons gamers dans leurs domaines2. Et, au fil de la discussion, je me suis rendu compte que dix ans ou plus en arrière, beaucoup de jeux de notre époque m’auraient phagocyté un temps indécent de concentration vidéoludique.
Or, depuis quelques mois je mène plus ou moins consciemment une petite expérience autocentrée. J’installe ou je réinstalle différents jeux et j’essaye de voir à quel point je me sens impliqué par eux. Question stock, je suis loin d’être en manque ; entre ma colossale3 bibliothèque Steam, mes quelques jeux GOG ou Epic, les jeux gratuits hebdomadaires sur l’Epic Store4, un passage sur le X-Box Gamepass, des expériences indies sur Itch.io ou… comment dire ? Des jeux que je teste… comme ça.
Le résultat est flagrant : je n’arrive plus à m’impliquer. En vrac ; j’ai tenté trois fois de jouer à Cyberpunk 77, allant un peu plus loin à chaque fois, mais craquant quand même au bout d’un moment. The Witcher 3, deux tentatives. Zelda Breath of the Wild, abandonné au 2e sanctuaire du tutoriel5, Zelda Tears of the Kingdom dans lequel j’ai vraiment été loin, mais que j’ai fini par trouver ennuyeux, Death Stranding, deux tentatives dont une encore en cours, que j’ai beaucoup aimé, mais je n’ai désormais plus aucune volonté de le relancer, etc., etc.
J’ai aussi une collection de jeux casual coupables6 auxquels je reviens régulièrement. Eux arrivent à survivre à cette étrange dépression vidéoludique parce qu’ils n’ont aucun scénario, juste de la progression. Et leurs mécaniques de jeu sont généralement si répétitives que je peux passer un temps important entre deux lancements sans que je ne me sente vraiment perdu. Parmi eux on compte ces titres suivants ; PC Building Simulator, House Flipper, Gas Station Simulator7 ou World of Airports8 sur tablette.
Ceux-là ont, comme je l’ai dit, la particularité d’être linéaires et répétitifs. Je ressens, comme ceux cités au-dessus, la même lassitude au bout d’un certain nombre de cycles de jeu, et je finis par les abandonner de la même manière. Mais lorsque l’envie de les reprendre me saisit à nouveau, je n’ai pas ce problème de me dire «Bourdayle, j’ai tout oublié où j’en étais ou ce que j’ai à faire…». Donc, eux parviennent à survivre à mes sautes d’humeur.
À mi-chemin entre ces deux catégories existe un jeu9 qui n’est pas du tout un casual, mais qui a un fonctionnement proche de mes pauvres attentes actuelles ; la série des Etrian Odyssey. C’est une trilogie de roguelike en vue à la 1re personne. Sa grande force : à l’instar des ancêtres du jeu d’exploration et d’aventures, il faut soi-même tracer la carte des niveaux de donjons que l’on explore. La série a d’abord vu le jour sur la Nintendo DS dont il exploitait à merveille le double écran tactile pour avoir d’un côté la vue dans le donjon et de l’autre la carte que l’on trace à mesure qu’on avance. Sa grande faiblesse, que j’apprécie particulièrement, c’est qu’il ne propose quasiment aucune histoire, pas de scénario. À peine peut-on accepter10 des quêtes dont l’intérêt final, lorsqu’on retire les quelques microns de scénarisation, est d’avancer dans l’exploration.
C’est bête, mais je me régale.
Il y a une autre exception, mais celle-ci n’existe que parce que je l’aime. C’est Elite:Dangerous. J’ai grandi avec son ancêtre, Elite, sorti en 1984 et auquel j’ai (essayé de) joué sur ZX Spectrum, puis sur PC ensuite. Lorsque j’ai entendu que son créateur, David Braben, allait lancer une relecture de son jeu mythique, j’ai aussitôt sauté dessus. Rares sont les jeux que j’achète les yeux fermés dès leurs sorties11, aussi rares qu’une promesse électorale tenue, mais je ne pouvais pas résister au plaisir de replonger dans l’univers d’Elite avec des visuels contemporains. Et je n’ai pas été déçu, et je n’ai jamais abandonné le jeu.
Sauf que si, même si je me voile la face en disant que ce ne sont que des pauses. J’y retourne de temps en temps, pour le plaisir de voler, écouter Galnet pour avoir les derniers potins de la galaxie, faire quelques missions et puis… je fais une pause. Mais, contrairement aux autres jeux, je ne le désinstalle pas, jamais.
Et, pour terminer, il y a une catégorie, fort heureusement très petite, qui contient mes gros regrets. Ce sont des jeux auxquels j’ai tenté de jouer, qui ont été tués dans l’œuf par cette étrange dépression vidéoludique12, et que je me suis spoilés après coup pour savoir ce que je loupais. Et de découvrir que ces jeux sont si riches, si bien faits, que j’aurai DÛ y jouer, les poncer, m’épuiser les synapses dessus pour profiter au maximum du génie qui y a été injecté.
Fez ou SOMA auraient pu faire partie de cette catégorie, mais fort heureusement j’y ai joué avant. Dans la courte liste des jeux incroyables auxquels j’aurai dû jouer, on trouve Tunic et Outer Wilds. Comme dit plus haut, je les ai testés tous les deux, et ils ont, comme tous les autres, fini par me tomber des mains. Pas mal de temps après, un pote m’a fait découvrir la chaine de TheGreatReview13. Le youtubeur y a fait un épisode consacré à chacun de ces jeux. Sa technique est de monter des séquences enregistrées sur sa chaine Twitch, et de recréer une sorte de documentaire narratif sur sa manière d’appréhender le jeu, son histoire et ses secrets. Ça donne des vidéos un peu longues (1 à 2 heures), mais qui sont tellement riches et envoutantes qu’on ne voit pas le temps passer. Je les recommande chaudement :
— Tunic par TheGreatReview — Outer Wilds par TheGreatReview
Attention, cependant ! Si vous n’avez pas joué à ces jeux et comptez les terminer, NE REGARDEZ SURTOUT PAS ! Ces deux jeux ont pour essence la découverte, l’exploration. Si vous découvrez à travers ces vidéos les secrets finaux de ces jeux (en particulier Outer Wilds dont la mécanique ne repose que sur la surprise finale), vous n’aurez absolument plus aucun intérêt à jouer à ces titres.
Si vous avez le courage de vous lancer dans leurs visionnages, vous découvrirez ce à côté de quoi je suis passé en les abandonnant. Si le moi-même avait pu découvrir ces jeux à l’époque où il tentait encore de comprendre en quoi une équation du second degré avait de l’intérêt autre que de lui coller une moyenne minable en maths, je pense qu’il aurait passé un temps fou à plonger dans ces labyrinthes incroyables, en savourant chaque minute.
Mais ce gamin, ce n’est plus moi. Je n’y arrive plus. Est-ce l’âge ? Est-ce que la nostalgie des premiers jeux d’aventures sur consoles est trop forte au regard de la production actuelle14 qui en donne toujours plus et souvent trop ?
Je ne sais pas.
Je me dis juste que le principal aspect positif de tout ça, c’est que… j’ai de moins en moins l’occasion de procrastiner devant un jeu.
Un bien pour un mal…
Sauf pour certaines choses pour lesquelles –paradoxalement– j’en ai trop, mais ça ne rentre pas dans le cadre de cette chronique.↩︎
L’un vous balaye Elden Rings en rigolant tandis que l’autre a fini toutes les occurrences de Resident Evil 4 en mode master of the deadly mother of death platinum ++ tout en soupirant et faisant des mots croisés.↩︎
À mes yeux. J’imagine qu’il y a d’autres joueurs dont la bibliothèque Steam est bien plus conséquente. Ce qui, finalement, est en soi un problème. Mais c’est une autre histoire.↩︎
Je suis loin de les prendre systématiquement, soit parce qu’ils n’ont vraiment aucun intérêt à mes yeux, soit parce que je les ai déjà.↩︎
J’ai d’autres raisons, mais quand même.↩︎
Coupables parce que franchement débiles, mais je les adore quand même. Et j’assume.↩︎
Sauf que depuis que j’ai eu le malheur de prendre le DLC Airstrip je trouve le jeu moins fun. Regrets…↩︎
Jeu qui vient d’être presque totalement réécrit et réinventé, raison de plus pour y revenir perdre un temps fou.↩︎
Sans doute pas le seul, mais j’ai pas encore trouvé.↩︎
Certaines sont optionnelles, mais les plus importantes sont obligatoires. Le jeu étant totalement linéaire, ça n’a aucune importance de se faire forcer la main.↩︎
Dans la récente décennie, on ne compte que Elite:Dangerous et Kerbal Space Program.↩︎
J’ai déjà utilisé cette expression plus haut, mais je pense qu’elle cerne bien ce qui m’arrive.↩︎
Contrairement au nom moche, la chaine est en français.↩︎
J’ai joué récemment au remaster HD de Link’s Awakening, et ça a été un régal de bout en bout. Nintendo, merci de refaire tous les Zelda classiques de cette manière, pliiiiiz !↩︎