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Le petit voyage en Crète — Chapitre 6

Jour 6

La Crète – Jour 6La Crète – Jour 6

Ce matin, pour ne pas changer un rythme de vacances posay, on a démarré tranquillement. Après un paisible petit déjeuné, nous avons fait nos bagages, rangé et fait un brin de ménage.

Et nous sommes montés dans la blanche Berlingo, direction Rethimno !

Notre trajet du jourNotre trajet du jour

Tout comme la veille, mais à l’envers, la route vers Rethimno est sans surprise, à part peut-être le thermomètre de la voiture qui, à mesure que l’heure tourne, monte dans les 40 degrés et plus.

Nous arrivons à Rethimno en milieu de matinée. Une fois garés, nous entamons la visite par le vieux port vénitien.

Le port vénitien de RethimnoLe port vénitien de Rethimno

Alors que nous suivons le quai, Helene et moi nous nous faisons la réflexion que le port a agréablement bien changé depuis la dernière fois que nous y étions allés. Dans nos souvenirs, le quai était occupé à 110% de terrasses de restaurants bondés, où grouillait la faune nerveuse des serveurs occupés à slalomer entre les myriades de tables et chaises, et il était quasiment impossible de traverser la zone sans bousculer une vingtaine de gens attablés ni –surtout– se faire rabattre comme du gibier par les camelots de chaque restaurant qui vous promettaient le repas de votre vie en une douzaine de langues approximatives1 en vous fourrant la carte pleine de traces de doigts sous le nez.

Ce que nous y avons trouvé, cette fois, c’est un endroit serein, aux occupations de terrasses raisonnables et aérées, et peu de rabatteurs avec qui échanger un mot ne tient plus du pugilat, mais de l’aimable échange de politesses. On a même remarqué que des lignes de peintures étaient tracés au sol qui semblent délimiter les zones de terrasses, laissant une bonne portion de quai libre où déambuler tranquillement.

Y’a du y avoir du repointage de I en bonne et due forme. Et c’est bien.

Nous nous sommes ensuite glissés dans le vieux Rethimno, aux ruelles étroites et aux façades anciennes qui témoignent bien de l’occupation vénitienne. Bon. On a aussi fait les boutiques.

Parce que, mine de rien, le mercure est encore une fois sérieusement monté et l’appel d’air frais des intérieurs de boutiques climatisés sont souvent alléchant, même si ce que proposent les boutiques ne nous intéressent pas particulièrement.

Nos pas –et nos GPS– nous ont finalement conduits, après un dédale très mignon de ruelles, devant la façade tout à fait discrète de la boutique Chatziparaschou, le pâtissier fabricant de pâtisseries grecques le plus ancien2 de Rethimno –et sans doute du pays.

L’entrée de la boutique ChatziparaschouL’entrée de la boutique Chatziparaschou

Nous y avons acheté quelques exemplaires de baklava et de kadaïfi avant de repartir à l’aventure.

Aventure qui consiste maintenant à trouver où manger. Nous n’avons pas tergiversé très longtemps, notamment parce que la chaleur de midi commence à limiter nos facultés cognitives. C’est pourquoi, après avoir hésité cinq minutes au milieu d’un croisement de ruelles, Pascal s’est dirigé vers l’entrée d’un établissement qui offrait la promesse d’une belle arrière-cour ombragée et fort bien pourvue en ventilateurs, et nous a annoncé qu’en fait, il avait trouvé le restaurant : le Akri Garden.

L’endroit est super-mignon ; un espace qui n’est ni une arrière-cour, ni une ruelle, mais un mélange des deux à la configuration étrange leur a permis d’installer plusieurs tables de quatre à six convives en autant de mini-alcôves plutôt intimes. Le tout sous l’ombre salvatrice de voilages et plantes grimpantes et agrémenté de tout un tas de ventilateurs aussi gros que silencieux.

On se dit qu’on va peut-être manger cher et mal en mode attrape-touriste, mais au moins on sera au frais et bien assis.

La carte est à la fois classique et fournie, néanmoins par précaution, nous commandons plutôt deux salades César et une salade composée portant le nom du restaurant : la Akri. Seul Pascal, décidé à ne pas passer à côté des classiques, se risque à prendre une moussaka.

Bon. Ben, en fait, on a bien mangé. Certes, c’était quand même un peu cher, mais en mettant en balance le fait qu’on soit au cœur des ruelles touristiques du vieux Rethimno, qu’on est bien installés, que c’était loin d’être mauvais3, même si elle ne fait pas partie de la note la meilleure marché du séjour, on n’a pas à se plaindre de notre choix4.

Un petit aperçu des ruelles touristiques du vieux Rethimno5.

Nous repartons ensuite dans le dédale de ruelles piétonnières, profitant à la fois du lèche-vitrine sympa6 et du fait que chaque boutique faisait tourner ses climatiseurs en mode turbo-polaire, ce qui donnait à la ruelle une atmosphère particulièrement agréable en même temps que de tuer un peu plus vite la planète.

Finalement, nous sommes revenus au début du port vénitien où nous nous échouons, telles des baleines en short, sur d’accueillants canapés, sous l’ombre de l’auvent d’un café. Nous y commandons moult Freddo et, dans la somnolence d’une digestion sereine, nous devisons sur pas mal de sujets philosophiques, comme par exemple, si le Freddo est une invention grecque (très récente), pourquoi porte-t-il un nom si italien7 ?

Une fois nos Freddos8 consommés jusqu’à la dernière molécule de glaçon, on se décide tout de même à retourner à notre carrosse et terminer la route. Hé oui, la réalisation que nous ne sommes qu’à mi parcourt s’impose, accompagnée d’une cruelle envie de s’enfoncer encore plus dans le canapé et commander à nouveau un truc sucré et glacé.

La suite de la route, qui a commencé à l’horizontale d’ouest en est, bifurque maintenant à la verticale, vers le sud.

Le paysage change assez rapidement, passant d’un paysage côtier classique d’un bord de mer méditerranéen, à des reliefs vallonnés, émaillés de petits contreforts montagneux, et très agricole ; on traverse beaucoup de champs et de vergers.

Nous arrivons finalement à Kamilàri en milieu d’après-midi. Nous cherchons un moment la maison, et malgré « l’aide » de GPS, nous perdons plus d’une demi-heure à spiraler autour avant de se décider à emprunter une route de terre et cailloux9 qui nous amène à une villa absolument charmante.

Vue de la campagne autour de la maisonVue de la campagne autour de la maison

Là nous rejoint la petite Barbara, qui nous ouvre la maison et nous la fait visiter. Dans un anglais tout à fait personnel, elle nous abreuve d’explications que l’on essaye de comprendre10 de notre mieux. À la fin nous essayons de poser quelques questions pratiques, comme par exemple où sont les plages les plus chouettes et est-ce qu’elle a des restaus à nous recommander. Mais la discussion tourne court, nos anglais respectifs ne sont clairement pas compatibles.

C’est pas grave.

On transvase nos bagages de la voiture à l’intérieur. On met bien trop de temps et de politesse à déterminer qui va prendre la chambre du bas et celle du haut, et, un peu rafraîchis, on repart s’offrir une baignade de fin de trajet.

La longue, mais très agréable plage de Kamilàri, qui abrite –entre autres– des nids de tortues marines.

Nous nous baignons donc un petit moment, évacuant en une thalassothérapie amateur la fatigue de la route, tout en profitant d’un splendide coucher de soleil. Et, nous constatons du même coup que la température de l’eau –bien que sans doute encore trop chaude– est infiniment plus agréable que ce qu’on a vécu au nord.

Une fois sortis de l’eau, l’heure est maintenant à la question quotidienne la plus compliquée : « Où c’est qu’on mange ? »

Après quelques minutes sur nos smartphones, Helene repère une ouzeria à deux tours de roue de notre villa. Allez, on y va !

Il fait nuit lorsque nous arrivons devant le Varelas Wine House, à l’entrée de Kamilàri. Point d’ouzerie, cependant. Comme le nom l’indique, c’est un restaurant bar à vin. On hésite un moment, se demandant si c’est bien ce qui nous fera plaisir ce soir. Finalement, comme tout ce qu’on a fait ce jour, c’est la flemme qui remporte la décision : on reste.

Encore faut-il qu’on daigne nous allouer une table. Car, nous n’avons pas réservé. Le patron, un gentil monsieur affable et grisonnant commence par nous annoncer que, faute de réservation, il est fort possible qu’on reparte en chasse d’un autre établissement. Néanmoins, il nous demande quelques minutes de patience, voir s’il y a moyen de moyenner un truc, quand même.

La disposition du restaurant est assez amusante. Le bâtiment lui-même est assez petit et semble n’abriter que les cuisines. Il y a une toute petite salle vide, un auvent en dur abritant une terrasse pour quelques convives. Les tables se trouvent, pour l’essentiel, dispersées sur la première partie d’un terrain couvert de pelouse, à quelques mètres du restaurant lui-même. Le « parc », assez vaste, n’est occupé que pour un tiers des tables, suivi de jeux pour enfants, et … plus rien.

Nous n’attendons en fait que le temps qu’il réponde à un coup de téléphone. Il revient vers nous pour nous annoncer que des clients ayant réservé ne viendront pas, et qu’une table est donc libre. Youpi.

Nous nous installons autour de la table désignée, un peu à l’écart, sous l’éclairage chiche et intimiste de veilleuses, et dans les fumerolles sucrées et lénifiantes de spirales antimoustiques. Tandis que je vire mes sandales pour profiter du luxe de dîner les pieds dans l’herbe, nous analysons la carte. Il y a peu de choix, et tout à l’air bon.

Nous commandons donc des côtelettes d’agneau au grill et des yemistès11, et —puisque nous sommes dans une wine house— nous demandons à notre hôte de nous conseiller le vin blanc idoine pour accompagner nos plats. Le patron réfléchit un moment puis nous en propose un, que nous acceptons volontiers, d’autant plus que nous n’avons pas idée de la qualité des vins présents sur la carte12.

Quelques13 minutes plus tard, nos assiettes nous sont servies, accompagnées de frites maison absolument divines. Puis, le patron vient nous déboucher et nous faire goûter le vin qu’il nous a choisi. Comme on dit dans le milieu des connaisseurs, c’est une pure tchûûûûerie. On s’est régalés de bout en bout.

Pour l’anecdote, tandis qu’il sommellait notre vin, le patron nous a expliqué qu’il avait fait une merveilleuse bourde. Il nous a placés à cette table parce que les gens qui l’avaient réservée n’étaient pas venus. Il nous a confessé que son téléphone ne marchant pas bien, la conversation pour la réservation avait été compliquée. Et le fait est que les gens avaient bien réservé ce soir-là, mais plus tard. Ils sont donc bien arrivés, à l’heure selon eux. Mais, entretemps, la table nous avait été donnée. Il a dû donc leur expliquer que bah désolé, mais tant pis pour eux.

Nous, bien sûr, on a jubilé d’avoir eu la chance de profiter du lieu et de la table par accident, mais on s’est quand même imaginé à quel point on aurait maudit la famille du patron sur 120 générations si nous avions été ceux qui avaient réservés.

N’empêche, ce restaurant s’est sans aucun mal placé dans notre top 3 personnel de ces vacances.

Une fois nos yemistès savourés, nos côtelettes grignotées, et notre bouteille prête à être consignée, nous hésitons quelques minutes sur l’éventualité d’un dessert. Mais, finalement, nous déclinons l’offre et décidons de rentrer à la maison.

Une fois rentrés, fatigués, mais quand même pas au point d’aller s’écrouler tout de suite, nous décidons d’inaugurer le lieu et la chouette terrasse en nous installant autour de la table, en compagnie d’une autre bouteille de vin blanc14 et surtout d’un plateau de baklavas de Rethimno.

Pouvait-on rêver meilleure fin de journée15 ?


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  1. Et souvent toutes en même temps.↩︎

  2. Un article sympa (en anglais) sur la boutique et la famille : Introducing the last traditional phyllo master↩︎

  3. Sans être inoubliable non plus, hein…↩︎

  4. Encore une fois, à comparer avec un plus ou moins équivalent en France, le prix demandé aurait facilement été multiplié par trois ou quatre.↩︎

  5. Le restaurant décrit plus haut est à quelques dizaines de mètres, mais dans un secteur exclusivement piétonnier dans lequel la Google Cam n’a pas daigné se rendre.↩︎

  6. J’y ai acheté un chouette tee-shirt orné d’un poulpe stylisé, et on a trouvé une édition en grec du Petit Prince pour un cadeau.↩︎

  7. Nous sommes toujours à la recherche de la réponse.↩︎

  8. D’ailleurs, c’est quoi le pluriel de freddo ? Freddos en français ? Freddi en italien ou Freddoi en grec ?…↩︎

  9. Qui rappelle des souvenirs encore très frais et pas très agréables…↩︎

  10. En fait rien de compliqué, mais on était fatigués et on aime bien dire du mal des gens.↩︎

  11. Légumes farcis.↩︎

  12. En fait, si. Lors de notre 2ème jour, durant des courses au supermarché, on s’est dit qu’on pourrait se prendre un vin local pour accompagner le repas du soir. Cherchant sur internet en même temps que découvrant ce qui m’était proposé dans le rayon, j’avais hésité entre deux vins blancs crétois dont les quelques avis trouvés disaient le plus grand bien. J’ai opté pour l’un, avec lequel on s’est régalé. Celui proposé par le patron ce soir, c’était l’autre…↩︎

  13. Longues minutes, on a faim !↩︎

  14.  Bouteille offerte par notre hôte, mais qui s’est avérée vraiment en dessous de celle dégustée au restaurant. Néanmoins, on lui a quand même fait sa fête.↩︎

  15. En vrai, oui, si la villa avait été équipée d’une piscine…↩︎

Dans les épisodes précédents… Le petit voyage en Crète — Chapitre 5 Le petit voyage en Crète — Chapitre 7
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