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Le petit voyage en Crète — Chapitre 5

Jour 5

La Crète – Jour 5La Crète – Jour 5

Contrairement à l’habitude qui a commencé à s’installer et avec un incroyable effort de volonté, la matinée a commencé tôt. Car nous avons décidé de faire un peu de route.

L’une des destinations qui a beaucoup été discutée avant le départ est le lagon de Balos. Coincé derrière une arête rocheuse aride et désolée, au point que seules les chèvres s’y éclatent, il y a ce fameux lagon de Balos, une immense plage de sable blanc qui n’est pas loin de faire penser à une image de cartes postales.

Balos, vu d’en hautBalos, vu d’en haut

Il y a quelques années, Helene et moi nous y sommes rendus. Ne connaissant pas le terrain, nous y sommes allés en naïfs, c’est-à-dire à une très mauvaise heure. Si la descente et le moment sur place étaient sympas, le retour s’est avéré éprouvant.

Du coup, nous étions partagés entre l’envie de revoir le site, le faire découvrir aux amis, et l’envie de ne pas mourir d’une insolation en plein milieu d’un sentier de chèvre.

Nous avons même débattu un moment de l’idée de s’y rendre en bateau1, mais finalement, on a coupé la poire en deux : allons-y tôt.

Le trajet Chania – BalosLe trajet Chania – Balos

La route n’est ni très longue (approximativement 60 km), ni très compliquée, puisqu’en majorité il s’agit d’une voie rapide2, mais elle est un peu longue. Il faut environ une heure pour arriver à destination.

Néanmoins, la partie facile s’arrête à Kissamos. Au-delà, on se retrouve dans des petites routes de côte ou de champs jusqu’à ce qu’on arrive réellement dans les contreforts de l’arête rocheuse.

À partir de là, pour profiter de la plage de Balos, il faut faire sept kilomètres d’un chemin de terre de montagne. Oui. Les deux.

Le côté montagne est un peu exagéré puisqu’il n’y a pas vraiment de virage, la route se contentant de suivre le flanc montagneux. N’empêche que du côté passager, le point de vue offre une belle perspective de dégringolade vers la mer.

Mais, ça reste quand même un trajet de route à peine carrossable, pleine d’ornières, de nids de poule, de mini-ravins et de crevasses lunaires. Et, sept kilomètres comme ça, c’est long…

La route de terre de 7 kilomètres3 pour se rendre au grand parking, point de départ du sentier descendant vers le lagon de Balos

Une fois arrivés, nous avons laissé la voiture se reposer de ses émotions sur l’immense parking (payant) et nous avons attaqué –comme des dizaines d’autres touristes– la suite du chemin. À vue de nez bouché, il ne faut que 10 à 15 minutes d’une marche pas trop contraignante4, encore à la fraicheur relative d’une matinée promettant son soleil de plomb d’ici peu, et sous le regard absolument blasé et vacant d’une pléthore de chèvres tranquillement couchées un peu partout, semblant se demander ce que viennent faire ici ces bipèdes bruyants et colorés en file indienne.

Mais, quand même, au bout d’un moment, la vue vaut le déplacement.

Vue du lagon de Balos depuis le sentier de crèteVue du lagon de Balos depuis le sentier de crète

Notre quatuor s’est arrêté à une sorte de halte d’observation formée d’une plateforme de pierres et des reliquats d’un minibar5 composé d’un comptoir d’à peine 1m50 protégé par un microscopique auvent. Le tout ayant connu des jours meilleurs, sans doute avant ma naissance.

Pascal, frais comme un λευκίσκος6 a proposé de descendre jusqu’au lagon, « au moins pour voir à quoi ça ressemble7 » mais le degré d’enthousiasme et la dose de motivation qu’a déclenché cette proposition font que finalement, il y est allé tout seul.

Pendant ce temps-là, on est restés assis, à boire quelques gorgées d’eau et papoter avec un jeune homme qui faisait des photos avec un drone rigolo.

Une belle vue panoramique du lagon

L’étrange bouée circulaire aperçue d’en haut. Aujourd’hui encore, le mystère de sa fonction reste entier…

Une fois Pascal remonté jusqu’à nous, et après une microseconde d’hésitation sur ce qu’on allait faire ensuite, nous reprenons le sentier du retour. Remonter jusqu’au parking est tranquille8. Nous récupérons notre voiture et… c’est reparti pour les 7 interminables kilomètres9 de route albanaise de champ de bataille.

Je n’ai pas voulu l’admettre sur le moment, mais lorsque la voiture pose enfin ses pneus meurtris sur un bitume qui nous semble doux comme un feutre de billard, je me suis aperçu en laissant retomber les épaules que j’étais crispé10 comme un gamin durant sa première séance chez le dentiste.

Bref, fin de l’aventure Balos. Il est temps de se sustenter. Et, comme un fait exprès11, nous n’étions qu’à une dizaine de minutes12 de voiture d’un meilleur souvenir, pour Helene et moi : le restaurant du Kapetan Nikolas.

Bien que rafraichis et modernisé par rapport à nos souvenirs, ce petit restaurant, les pieds dans le sable de sa mini-plage personnelle est toujours aussi sympathique.

On s’y est donc posés pour un chouette déjeûné de la mer ; seiche, calmar, et des poissons entiers au grill, et une excellente skordalia, le tout accompagné d’un chouette vin blanc bien minéral et frais.

Un aperçu très partisan de la régaladeUn aperçu très partisan de la régalade

Une bonne partie de l’après-midi se déroule ensuite à ne pas faire grand-chose d’autre que de se baigner dans la petite anse devant le restaurant, de sombre dans un coma digestif sur les chaises longues et de papoter.

J’ignore la raison réelle, mais il est possible que la conjonction route de la mort + bon repas + soleil redoutable m’ait assommé. En effet, je finis par sombrer dans une torpeur profonde et assez anormale. J’ai dormi comme une masse durant plus d’une heure, avant de me faire violence pour bouger un peu. Helene me suggère d’aller me baigner, mais je n’en ai aucune envie. Par contre, je suis pris d’une soif monumentale.

J’ai donc rejoint les amis qui s’étaient réinstallés à une table du restau. Tandis qu’ils commandent des freddos, je demande une grande bouteille d’eau fraîche que je vide en quelques verres, pour en commander une autre.

Après, ça va mieux.

On est donc retournés se baigner encore un peu, puis on a passé la fin d’après-midi à regarder et commenter l’installation et le bétonnage d’un poteau à quelques pas de nos transats.

Et puis, le jour tournant à la soirée, on se décide à dire au revoir à nos hôtes et on remonte dans la kriti-mobile, direction la maison. Pour le retour, je ne refuse pas la proposition de Pascal de prendre le volant.

J’ai bien dormi durant une partie de la route.

Une fois rentrés, on s’occupe de nos affaires ; dessablage des serviettes et des maillots, douchage des vacanciers, et on s’installe sur notre terrasse pour une nouvelle fournée de dakos revisités, avant de musarder pour notre dernière soirée sur place, le temps que la nuit soit bien tombée.

Oui, car demain, on déménage dans le sud de l’île !


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  1. Il y a des bateaux-taxis qui font l’aller-retour depuis plusieurs ports tout au long de la journée.↩︎

  2. À l’échelle de l’île. On va parler d’une nationale, en gros.↩︎

  3. Non, ce n’était absolument pas aussi encombré quand nous nous y sommes rendus. Heureusement.↩︎

  4. Faut quand même faire super gaffe aux chevilles. Ça ne nous a quand même pas empêchés de nous faire doubler par des gens en tongs…↩︎

  5. Pas celui qu’on trouve dans les chambres d’hôtel. C’est juste qu’il était vraiment tout petit.↩︎

  6. J’ai cherché le mot «gardon» dans plusieurs dictionnaires franco-grec. Google passe par l’anglais et le traduit en Common Roach qui donne le mot cafard en grec. Si je cherche dans le Kaufmann, on me donne le mot λευκίσκος qui se traduit par… naseux, qui est un petit poisson. Bon.↩︎

  7. La citation est apocryphe, mais grosso modo, il voulait aller voir de plus près.↩︎

  8. Parce que même si l’intégralité du chemin est maintenant sous le soleil, l’air est encore respirable.↩︎

  9. J’en suis venu à me demander s’il ne fallait pas trouver une autre échelle pour mesurer la pénibilité de ce genre de trajet. Comme par exemple inventer la notion de « kilomètres ressentis »…↩︎

  10. J’ai oublié de le préciser : c’est moi qui ai conduit à l’aller et au retour de cette ballade.↩︎

  11. Oui, c’était calculé.↩︎

  12. Pour vous donner une idée de la pénibilité du trajet : sur un GPS, si vous demandez le trajet Balos Beach → Limeniskos (lieu du restaurant), vous aurez un temps de trajet de 50 minutes environs. Par contre, si vous demandez le trajet Trachilos → Limeniskos, c’est-à-dire la première ville où on arrive après le chemin de terre, la durée proposée ne sera plus que de 15 minutes environ. Ouaip… plus d’une ½h de chaos de l’enfer.↩︎

Dans les épisodes précédents… Le petit voyage en Crète — Chapitre 4 Le petit voyage en Crète — Chapitre 6
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