Le réveil, pour moi, est à l’image de la nuit : parfait et reposant. On démarre doucement, profitant de la promesse d’une belle journée. Il est temps d’aller goûter au petit-déjeuner proposé par notre hôte.
Nous mangeons donc en compagnie d’un autre couple1, des Italiens en vacances. On se régale comme à notre habitude devant ce genre de buffet quasiment à volonté, arrosé d’un jus d’orange et d’un –toujours– excellent cappuccino2.
Avant de nous élancer sur les routes en direction du mythique Etna, comme nous angoissons déjà la redite du départ catastrophique, nous proposons à notre hôte de lui régler le séjour immédiatement, histoire qu’on puisse prendre la route quand on veut –c’est-à-dire tôt– demain matin. Il accepte et nous propose même de nous préparer de quoi petit-déjeuner avant de partir.
Puis, le petit-déjeuner avalé devant cette toujours chouette vue3, nous prenons nos affaires de balade et sautons dans la voiture. Je cale le GPS sur notre choix totalement arbitraire : la ville de Randazzo4, à un petit peu plus d’une heure de route.
Et là, survient une erreur bête qui aurait pu nous coûter très cher. En sortant du passage où se trouve notre place de parking, le GPS peine à s’orienter, et je n’arrive pas bien à déterminer si je dois prendre à gauche, c’est-à-dire descendre vers Taormina, ou monter vers Castelmola. Le GPS, sur le moment, semble m’indiquer Castelmola. Donc, en bête humain asservi à la technologie, je tourne vers la droite. Le facétieux GPS retrouve alors son orientation, et je me rends compte qu’il fallait –bien sûr– tourner à gauche.
Cependant, le GPS recalcule aussitôt sa route et nous dit que, hormis un déficit de temps de quelques poignées de minutes, on peut très bien rejoindre notre destination en restant sur cette route. À mi-chemin de Castelmola, il nous fait prendre une autre route qui nous fait contourner le massif non pas par la gauche, mais par la droite. Au début, la route est certes étroite, mais peu fréquentée5, mais surtout charmante dans cette lumière de début de splendide journée. La balade nous offre de chouettes panoramas, sublimés lorsque nous arrivons en vue de l’Etna lui-même, écrasant par sa taille et à cette heure pas encore casqué de ses nuages.
L’angoisse survient quelques kilomètres plus tard ; la route, jusque là bien goudronnée et carrossable, se mue petit à petit en route albanaise6, puis en gros sentier de terre, de cahots et de cailloux. Le piège c’est que cette transformation se fait petit à petit, au point qu’on passe son temps à se dire pendant un bon moment : « Ça va, tranquillleuh. Ça va pas durer… ». Sauf que ça dure, et ça empire. Et, lorsque l’on arrive dans le pire, Helene en est à me répéter qu’il faut qu’on fasse demi-tour. Sauf que 1° : on est peut-être bientôt revenu à la civilisation routière7, et d’autant plus que 2° : on n’a physiquement pas la place de faire demi-tour sur cette sorte de sentier de (grosse) chèvre.
Bref, on a insisté, l’une serrant les dents et l’autre concentré sur une conduite rally8 à bord d’une petite citadine estampillée « sport », c’est à dire avec un bas de caisse… bas.
On a fini par s’en sortir, retrouver une route tout à fait honnête. Je me suis garé pour vérifier l’état de la carrosserie et surtout des pneus –manquerait plus qu’on eut crevé– puis nous sommes repartis, rassurés, soulagés et… si, quand même, amusés.
Quelques kilomètres plus loin, nous nous arrêtons à un supermarché Conad9 pour y faire notre traditionnel stock piqueniquesque, ce qui me permet d’exercer ma splendide maîtrise de la langue en demandant au détail :
Buon jiorno. Quattro fette fine di mortadella e due fette di parma, grazie.
Puis, d’admirer le temps qu’on me serve, un accessoire inconnu de nos propres supermarchés : la râpe industrielle qui permet au client de repartir avec des kilos de parmesan meulé en gros grains. Et puis, nous repartons.
Le reste de la route jusqu’à Randazzo est bien moins sportive ou stressante –sauf certains dépassements– mais le paysage s’avère toujours aussi chouette. Et, on ne peut jamais oublier la présence tutélaire de la montagne enneigée à l’horizon.
De prime abord, Randazzo n’est pas accueillante. Bien qu’on y croise des gens ; quelques touristes et quelques personnes du cru, nous tournons un peu en rond dans des rues mornes aux rares boutiques plus ou moins fermées.
Nous parvenons cependant à débouler sur le parvis de la Chiesa Parrocchiale di San Nicolò, belle église partiellement bâtie avec de la pierre de lave de l’Etna, reconnaissable à son noir profond et luisant.
Après avoir visité l’intérieur10, nous continuons de remonter quelques rues jusqu’à atteindre la Basilica di Santa Maria Assunta, où nous trouvons –enfin !– des gens et des cafés ouverts. On se pose en terrasse pour notre énième cappuccino11 tout en se posant la question cruciale : « Bon, et maintenant ? ». Parce que, même si Randazzo, c’est bien sympa comme ça, finalement, c’est quand même pas très palpitant. Nous décidons donc de repartir en direction du parc naturel qui entoure l’Etna, en visant plus ou moins la ville de Milo, ce qui nous fera contourner la divinité chtonienne locale par l’est, et en se disant qu’on trouvera bien un bel endroit pour piqueniquer.
Ce qu’on trouve assez peu de temps après avoir quitté Randazzo. En passant, au creux d’un virage, nous apercevons ce qui semble être un parking et un point de départ de randonnée. Le temps d’en discuter et de se décider, je cherche un endroit pour faire demi-tour. Mais, finalement, à un carrefour qui me semble propice pour repartir, nous découvrons un autre petit parking quasiment sauvage et une entrée dans le parc.
Du coup, on s’y gare et on passe le portail. Nous voilà dans le Parco dell’Etna12. On s’y balade dans une solitude irréelle13, et dans une nature magnifique. Le contraste avec le reste du pays aux bas-côtés abominables et cette zone de nature sauvage pourtant ouverte au public est étonnant. Nous marchons quelques minutes en profitant du paysage et de la botanique –enfin, surtout Helene– avant de décider d’un coin où on pose nos affaires et on s’installe.
Nous chillons un moment, puis passons au sérieux des choses en installant notre déjeuner. C’est peu ou prou le même que chaque midi depuis le premier jour14, mais on se régale toujours autant.
Et puis, sieste.
Après avoir siesté comme des bûches de Diospyros Crassiflora, nous remballons nos petites affaires, et nous repartons continuer notre demi-circumnavigation autour de l’Etna.
D’aucuns, comme notre hôte, pourraient trouver étrange que nous n’ayons pas eu la moindre particule d’envie de grimper sur l’Etna. On y a pensé, mais brièvement. D’abord, il faut savoir que monter l’Etna (dont le sommet culmine à 3343 mètres d’altitude) se fait à minima en deux étapes. La première, faisable facilement, consiste à rejoindre en voiture le refuge de Sapienza (1910 mètres d’altitude). Ensuite, pour continuer, on a le choix entre une randonnée ou le funiculaire. La première option promet six heures de marches pour atteindre le Terminal Funivia situé à 2500 mètres de haut. On n’y va pas sans un minimum d’équipement15. Pour ce qui est du funiculaire, c’est un petit coût (30€ par personne), avec des horaires stricts et un fonctionnement dépendant grandement de la météo.
Une fois au terminal du funiculaire, pour continuer, il faut encore deux heures de marche, ou prendre un minibus tout terrain (qui coûte lui aussi dans les 30€), afin d’atteindre la Torre del Filosofo16 à 2920 mètres d’altitude. C’est l’altitude la plus haute qu’on peut atteindre par ses propres moyens. Aller plus haut nécessite de prendre un guide. Et d’avoir la forme. Ça n’est pas l’Everest, mais quand même.
En tout cas, je pense que vous aurez compris qu’entre un petit séjour tranquille et nos conditions physiques peu adaptées17, nous avons très vite choisi d’opter pour le panorama qu’offrait l’Etna lui-même plutôt que la vue qu’on peut avoir depuis ses hauteurs.
Et puis, quand on a vu un volcan au cinéma, on les a tous vus, non ?
Bref, on quitte –un peu à regret– notre joli coin de verdure sauvage au paysage enchanteur pour reprendre la route, toujours direction Milo. La route est belle, parfois un peu compliquée18, mais finalement reposante. On finit par arriver à Milo.
On ne savait pas à quoi nous attendre, mais Milo n’a rien de touristique. Petite ville à moitié à flanc de coteau, elle ne propose que deux cafés, une église, une place en promontoire sur laquelle une statue connue dans le pays célèbre les deux artistes Franco Battiato et Lucio Dalla19 et… c’est à peu près tout.
Par contre, à notre petit étonnement, la place est bondée, tout le village est là. Des deux cafés, seul celui donnant sur l’esplanade est ouvert, mais saturé de gens20. On comprend sans peine qu’on vient de débarquer en pleine fête locale. Après consultation de l’ami Googeule, il s’avère que nous sommes le 25 avril. Et, en Italie, ce jour est particulier ; c’est la fête de la libération du pays. En 1945, c’est le jour où les villes de Milan, Turin et Gênes sont libérées de l’occupation fasciste. Et un an plus tard, un décret installe ce jour comme fête nationale.
On comprend mieux la fermeture des commerces, et le fait qu’on croise beaucoup de monde.
Du coup, on ne s’éternise pas à Milo qui n’a d’autre chose à nous offrir qu’un joli point de vue sur le paysage. L’idée, maintenant, c’est de redescendre sur la côte est, pour essayer de se trouver un bord de mer sympa pour —à minima— se boire un cappuccino en face de la mer, ou au mieux s’y tremper quelques centimètres carrés de peau.
Donc, on vise arbitrairement la ville côtière de Riposto, en se disant qu’on pourra remonter le long de la côte vers Taormina, à notre rythme, et s’arrêter là où ça nous dit.
Riposto, c’est pas très accueillant, et de toute manière, fêt’nat’ oblige, ça fait ville morte. On se met donc à suivre une petite route côtière, bordée d’hôtels et autres petits refuges à touristes estivants.
Nous traversons ainsi Sant’Anna puis Fondachello où nous nous arrêtons. Il y a du monde, visiblement des touristes. L’espoir d’enfin profiter d’un joli bord de mer méditerranéen vient de remonter en flèche. Une fois garés21, nous remontons vers l’endroit d’où les proto-estivants ont été vus revenir avec sacs et serviettes sous les bras. Et, nous tombons sur cette vue :
Je vous garantis que c’est authentique. Je vous ai parlé du problème des poubelles. Vous les voyez à l’image.
Bref, derrière ce parking, la mer. Et ses cafés fermés. Et sa plage de gros galets gris moches et désagréables. Nous sommes restés quelque chose comme deux minutes. On ne s’est même pas assis. On a jeté un regard alentour, j’ai jeté un galet à la mer, et on a rebroussé chemin, dépités.
Nous avons continué de remonter la côte, de plus en plus dubitatifs, croisant parfois des paysages qu’on pourrait associer à des pays de l’Est en recherche de rebond économique.
Nous avons dès lors abandonné l’idée de profiter des plages du coin, et nous nous sommes décidés à retourner vers Taormina, en continuant de longer la côte autant que possible. Les plages sont nulles, mais la mer reste la mer.
Après quelques kilomètres de bouchon (si !), nous décidons de faire escale à Giardini Naxos qui, comme son nom l’indique, assume ses origines grecques.
Une fois la voiture easyparkée, nous descendons la corniche qui, à notre surprise22, est noire de monde. À notre gauche, le promontoire donnant sur la mer, souvent ponctuée de plages où nous voyons pas mal de monde installé, mais personne dans l’eau. À notre droite, la classique enfilade de restaurants, gelateria, et bars en tout genre à touristes.
Nous jetons finalement notre dévolu sur un tout petit bar donnant sur une placette, quasiment au bout de la promenade. Curieusement23, en place de cappuccino, nous commandons des bières. Des pressions de Moretti. Bien mieux tirées qu’à Taormina la veille, mais ça reste une bière tout à fait quelconque.
Sur un tempo méditerranéen, nous sirotons nos boissons, nous profitons des commodités, qui nous ont paru vouloir être un hommage aux bas-côtés des routes de l’île, et nous repartons.
Cette fois, vu l’heure et notre déception des bords de mer, nous décidons de remonter directement à Taormina. Mieux, même. La fête religieuse de la veille étant passée, on se dit qu’on peut aller directement se caler à Castelmola. En route.
À l’entrée du village haut perché, un petit parking, que nous avions vu plus que plein la veille, est quasiment vide à notre arrivée. On y dépose la voiture, j’enclenche le easyPark, et nous commençons l’escalade vers la ville de CastelMola.
Car si j’ai comparé Taormina au mont Saint-Michel, c’est uniquement sur son côté bourré-de-touristique. Mais l’endroit qui s’y compare le mieux reste le petit village de Castelmola, jugé sur son sommet montagneux. Tout petit, il n’est composé que d’un dédale de ruelles étroites, toutes piétonnes, montant et descendant sur plusieurs niveaux. C’est charmant et, puisque nous en profitons le lendemain d’une fête, très tranquille, reposant.
Bien entendu, ça reste un nid à touristeries, et il n’y a pas grand-chose à y voir d’autre que des restaurants, pâtisseries, bars, quelques boutiques de souvenirs, et une vue à tomber par terre24.
Bref. On déambule un moment dans la lumière déclinante de la fin du jour, pointant tel ou tel restaurant comme étant celui où nous allons déguster notre dernier dîner sicilien. Notre choix finit par se porter sur celui dont le nom résonne par son originalité folle : la Taverna Dell’Etna.
La vue depuis le restaurant, dans ce crépuscule idéal d’avril, est un régal pour les yeux.
Notre dîner, à base de poisson et de pâtes fraîches25, accompagné par un vin blanc qui ne vaudra jamais celui bu à Agrigente, mais qui se classe très bien en second, est apprécié à sa juste valeur. Parce qu’à notre belle surprise, pour un tel restaurant, nous nous attendions à des prix exubérants, mais la note s’est avérée très raisonnable.
Une belle soirée que nous avons achevée par un achat impromptu et à l’arraché de cette fameuse spécialité sicilienne qui nous faisait de l’œil depuis le premier jour, le cannoli26. À l’arraché parce que le pâtissier nous l’a vendu alors qu’il était en train de ranger sa boutique et à deux doigts de fermer sa caisse.
Nous allons goûter nos cannoli sur la petite place à l’entrée du village, dégustant la pâtisserie en même temps que le paysage. L’un est magnifique et l’autre nous a laissés perplexes. Le cannolo est un cylindre de pâte frite fourré d’une crème pâtissière à différents parfums. Nous, c’était pistache. Forcément. Mais je dois avouer qu’on n’a pas été emballés plus que ça par cette spécialité. Pas mauvais, pas transcendant… Et pas du tout inoubliable.
Mais, au moins, on aura goûté, sur place.
Bref, il était temps de se rentrer, prendre une bonne douche, ranger les affaires, quasiment boucler la valise, vérifier quinze fois que le réveil était mis, et décider sur un coup de tête d’avancer l’heure du départ demain d’une bonne heure. Parce qu’on est des angoissés, maintenant.
Et, dodo.
Score Fit : 11.775 pas
Un poil plus âgés que nous. Je sais, encore une précision inutile, et une note de bas de page de trop. Déjà.↩︎
Depuis notre retour je m’efforce d’imiter cette préparation, en vain.↩︎
Minus les câbles, voir journée précédente…↩︎
Prononcer ce nom de ville m’a dès le début fait sourire, parce que j’ai un élève en B3 audiovisuel qui porte ce nom…↩︎
De mémoire on n’a croisé que deux voitures, dont une garée sur le côté.↩︎
Si vous n’y avez jamais été : des routes défoncées par des nids de poule du crétacé. Faut un 4x4 ou une Mercedes de récupération pour y survivre.↩︎
J’argumentais cela avec une assurance que je n’avais pas vraiment.↩︎
Suivre un mou et lent sur des kilomètres de routes serpentines où il est rarement possible de doubler apprend la patience. Et permet de se défouler en de multiples imprécations.↩︎
Non, il ne manque pas de lettres.↩︎
Rien de palpitant.↩︎
Oui, tout comme la mortadelle, on en a gravement profité.↩︎
Je découvre avec les joies de l’Internet qu’il s’appelle également le Parcu di l’Etna en sicilien. Parce que bon.↩︎
En tout et pour tout, on a croisé une personne à l’aller, et une autre (et son chien) au retour.↩︎
À l’exception d’un paquet de chips. On est faibles.↩︎
Comme vous le voyez sur les photos, même en plein avril bien doux, il y a de la neige, là-haut. On n’y va donc pas en short et en tongs.↩︎
Littéralement la Tour du Philosophe. Poétique !↩︎
Sans parler que, de ce qu’on a vu sur sites et guides, Sapienza et Terminal Funivia semblent être des endroits vraiment très touristiques.↩︎
Suivre un mou et lent sur des kilomètres de routes serpentines où il est rarement possible de doubler apprend la patience. Et permet de se défouler en de multiples imprécations.↩︎
Deux chanteurs et musiciens, icônes de la chanson italienne, mais inconnus ici.↩︎
On a donc renoncé à notre drogue du moment, un cappuccino.↩︎
Et easyparké la voiture.↩︎
On a vite et souvent oublié qu’il s’agissait d’un jour de fête.↩︎
Mais finalement l’heure s’y prête bien.↩︎
De préférence en arrière, sinon c’est la chute dans la vallée. Ok. C’est nul, je l’admets.↩︎
Je ne me rappelle plus le menu exact. J’aurais dû noter systématiquement. Promis, la prochaine fois c’est fait.↩︎
Et, en préparant ce billet, je découvre bêtement grâce à Wikipedia que Cannoli est le pluriel. La pâtisserie seule s’appelle un Cannolo. Je me sens un peu moins bête.↩︎