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La Pierre

Si seulement j’avais pu mettre la main sur cette pierre avant. Je ne sais pas si j’aurai assez de temps devant moi. Et ça me fait peur. Peur de disparaître en laissant derrière moi cette pierre et son mystère encore entier. Cela fait pourtant deux ans maintenant que j’ai cette pierre en ma possession. Je l’ai achetée à un marchand ambulant qui semblait heureux de me la vendre. Au début, je pensais l’offrir à une amie mais très vite j’ai su que j’allais la garder pour moi. Ce n’est pourtant qu’un galet de pierre grise, vaguement carrée, au grain grossier poli par des siècles de caresses. Mais c’est le motif qui m’a fasciné au point de ne plus vouloir la donner tout d’abord, puis de ne plus même vouloir la montrer à quiconque.

Je n’ai jamais réussi à percer le mystère qui régit le motif. Je le vois, je sais au fond de moi avec quelle pertinence ce que cette gravure représente. Or il m’est impossible de le décrire ou le dessiner. A chaque fois que je me prête à l’expérience, les mots m’échappent, le concept tend à me devenir étranger, et les figures, les tracés serpentent, spiralent et s’éfilochent comme si l’alphabet romain que je connais depuis toujours se transformait en alphabet arabe qui m’est aussi étranger qu’il m’apparaît exotique et mystérieux, et ce au fur et à mesure de ma lecture. Sauf qu’alors même je ne peux saisir le dessin, je continue à le comprendre, à le lire.

Etant handicapé par cette gravure de sable je n’ai pas encore réussi à identifier l’origine de la pierre. Elle semble à la fois d’origine aztèque, égyptienne, mésopotamienne ou grecque. Peut-être même d’inspiration celtique, gallo-romaine ou indo-asiatique. Lorsque je crois avoir trouvé une piste, je la regarde et je relis mes notes, et je me rend compte à quel point je me suis égaré sur une piste totalement absurde. Et je recommence.

J’ai pourtant le sentiment de plus en plus intense de l’importance de cette pierre, du message véhiculé par sa gravure et du pouvoir qu’elle doit me conférer. Elle n’a de cesse de m’échapper alors même que je me voue tout entier à la comprendre. Et plus cette injustice me blesse, plus ma motivation grandit.

On pourrait penser, vu de l’extérieur, que cette pierre me détruit, que je souffre d’obsession, mais il n’en est rien. Je me suis contenté de me consacrer à son étude. Je n’ai simplement pas assez de temps à lui consacrer. La trivialité du quotidien m’horripile. Qu’ais-je besoin de tenir mon intérieur puisque je vis seul ? Pourquoi ais-je cette obligation futile d’avoir à me sustenter, et, par incidence, m’obliger à sortir de chez moi me procurer de quoi me nourrir ? Tout ce temps qui passe et que je ne peux vouer à l’étude de ma pierre m’obsède et me rend contre mon gré asociable. Je le dis ici par le témoin de l’écrit, je ne me suis pas brouillé avec ma famille, j’ai prit soin de prendre le recul nécessaire à l’étude de ma Pierre.

(Le paragraphe suivant est écrit de manière illisible, puis s’interromp brusquement).

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