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Hier, je suis allé au dentiste…

Est-ce extraordinaire ?

Pour la plupart des gens, sans doute pas. Pour moi, c’était une épreuve particulière.


### ⚠ Bien que ne contenant pas de gore, ce billet donnera quelques détails physiologiques qui peuvent heurter la sensibilité des petites natures, dont je fais partie. Lisez la suite en pleine conscience de cela.

Je ne suis pas quelqu’un de particulièrement à cheval avec mon hygiène buccale. Je ne la néglige pas, mais je reconnais que je ne vais jamais jusqu’à me brosser trois fois par jour pendant les deux minutes recommandées, je n’utilise pas de fil dentaire1, de brossettes, ni de bain de bouche.

Juste, je me brosse les dents, disons… raisonnablement.

Je n’ai pas, non plus, un amour particulier pour la fréquentation des dentistes. À vrai dire, j’en ai suffisamment pratiqué durant mon enfance et adolescence pour n’avoir pas plus d’envie d’aller carrer mon charmant fessier au creux d’un fauteuil ergonomique, les yeux pleurant sous l’assaut d’une lampe scialytique, tentant de communiquer avec le praticien à l’aide de borborygmes clapotants et de bruits d’aspirations proches de la noyade.

Du coup, bilan fait, je n’avais pas été montrer mes ratiches intimes depuis au moins quinze ans2 !

Alors, quel mauvais génie a pu me pousser à prendre un rendez-vous ?

L’été dernier, alors que tout allait bien dans le meilleur des mondes dans ma bouche, j’ai eu une mini rage de dent située dans la gencive d’une de mes incisives inférieures. Étant en plein tournage, j’ai subtilisé un doliprane3 et j’ai attendu que ça passe. Dans les semaines qui ont suivi, des microabcès se sont déclarés dans la même zone (mais jamais au même endroit), allant d’une durée de quelques heures à un jour ou deux.

Et puis, plus rien.

Sauf que les dents concernées (les quatre incisives du bas) sont devenues sensibles. Au point tel que machinalement, je me suis découvert une habitude débile et désagréable ; je frottais ces incisives avec les dents du haut. Tout comme on gratouille machinalement une croûte avec l’ongle au risque de refaire saigner, je titillais ces dents un peu trop sensibles avec leurs voisines du dessus.

Et puis… on est resté comme ça un bon moment. Six mois en fait.

Sauf qu’à force j’ai commencé à trouver l’exercice épuisant et pas très élégant. Mais, surtout, j’ai découvert que ces incisives du bas bougeaient un peu lorsque je les chatouillais.

Elles se déchaussaient. Donc, zutcrottemerdefucque, rendez-vous dentiste avant le pire trop tard.

Mais qui aller voir ? Ben, j’ai bêtement demandé autour de moi, et c’est l’ami G. qui m’en a indiqué un, qu’il qualifiait de « vraiment bien malgré un accent italien un peu marqué ». Soit4.

J’ai donc appelé le cabinet, pris rendez-vous, et vécu ma vie en grinçant machinalement des dents jusqu’au jour fatidique5.

J’ai quand même eu l’intelligence de regarder sur Goagoule où se trouvait ledit cabinet. Surprise ! J’en connaissais l’entrée depuis 3 ans maintenant, je suis passé devant un nombre incalculable de fois : ce cabinet dentaire partage l’un des étages avec l’école où j’enseigne. Gag.

Le jour dit, je suis parti travailler avec G. et sa compagne sur un projet commun. Je n’étais pas particulièrement joyeux et motivé, d’abord parce que j’avais très mal dormi6, ensuite parce que, honnêtement, je serrais déjà les fesses.

Néanmoins, la matinée se passe et l’heure approche. Comme je l’ai expliqué quelques minutes avant de prendre congé de mes hôtes :

J’ai beau être un grand garçon de près de 50 balais, là, plus l’heure approche, et plus je sens que des trucs se liquéfient à l’intérieur…

Mais, bon. Le cerveau reptilien est une chose, le reste de l’encéphale a quand même gardé le contrôle et nous a emmenés7 dans le hall d’accueil du cabinet.

Néanmoins…

Bref. À l’accueil on m’enregistre, on me donne un formulaire à remplir8. J’apprécie déjà l’ambiance détendue et plutôt plaisante. J’ai à peine le temps de ne cocher aucune case du formulaire que l’assistance du dentiste vient me chercher.

Elle m’emmène dans une toute petite salle pour passer une radio panoramique. Dans mes souvenirs, c’est un moment pénible. La dernière fois que ça m’est arrivé, c’était suite à un abcès dentaire. Non seulement je souffrais le martyre, mais le dentiste d’alors a ajouté la torture de sa radio qui était compliquée à faire, et pour laquelle je me suis fait sonner les cloches parce que je bougeais (il a fallu la refaire deux fois).

Là, ça ressemble à l’appareil utilisé par les ophtalmologistes pour vérifier l’acuité visuelle du patient. On me colle la tête dans un cadre, des serre-joints viennent se caler contre mon menton et mes tempes pour immobiliser la tête. Seule curiosité ; un téton recouvert d’un préservatif dans lequel je dois mordre pour garder la mâchoire légèrement écartée. Et puis, on me conseille de tenir le guidon. En effet, il y a deux poignées qui ressemblent à un guidon de vélo pour garder une pose décontractée durant l’exercice. Marrant.

On m’assure que ça dure une trentaine de secondes, le temps que les deux blocs de la machine me tournent lentement autour dans un ronronnement de servomoteurs bien réglés. Et, c’est déjà fini.

L’assistante m’amène dans le cabinet. Le docteur se présente, engoncé dans sa tenue de cosmonaute, et m’invite à prendre place dans le fauteuil. Des progrès ont été faits en l’espace de 15-20 ans, mais l’équipement devant moi reste le même ; un siège-couchette réglable, la lampe scialytique montée sur bras et les deux tablettes, dont l’une ornée des horreurs saletés instruments de torture fraises, meuleuses à diamant et autres forets pour béton armé.

Je cède donc aux impératifs du moment, et je m’installe dans le baquet, tout en répondant aux questions fort pertinentes de l’homme de science :

— Vous m’avez dit venir pour un détartrage et un contrôle, c’est ça ?
— Oui, docteur.
— À quand remonte votre dernière visite ?
— Je… j’ai trop honte pour vous répondre…
— Ah. Ben si c’est plus d’un an, pas la peine de me le dire.
— Heu… Ben, voilà.

Une fois ce petit moment de malaise9 passé, le docteur attire mon attention sur l’écran qui est au mur à côté de moi, et qui affiche un étalé radiographique de ma mâchoire. Mon regard d’absolu béotien y reconnait ses propres dents, ornées pour pas mal d’entre elles de points blancs que je sais être des plombages, et ma belle couronne aux trois racines bien enfoncées dans l’os.

Mais ce que veut me montrer le dentiste, ce sont les quatre incisives du bas. C’est ce qu’il a repéré en premier, et c’est ce qui l’inquiète. Elles se déchaussent parce que la densité osseuse de ma mâchoire à cet endroit s’est considérablement réduite.

— Zutcrottemerdefucque !

M’exclamais-je dans un bruyant silence intérieur consterné.

Le docteur m’explique alors qu’il y a deux solutions. La première (qu’il va privilégier) consiste à poser une attelle. Je vais recevoir un fil métallique qui va consolider et solidariser mes dents de devant pour les empêcher de bouger plus.

La deuxième méthode consiste à les enlever et poser un implant.

Oui, mais, non merci, non.

Donc, tout en terminant ses explications10, il commence le détartrage. Je me retrouve avec la suceuse coincée à la commissure, et me voilà fraisé de près sous tous les angles. J’ai l’impression que l’opération a duré entre trois et cinq heures, alors que ça a dû se passer en deux dizaines de minutes.

Pendant que j’avais l’impression de me noyer dans les éclats de tartre qui tapissaient ma langue, et que le zouinzouin de la fraise me parvenait tantôt par les oreilles tantôt par les vibrations dans tout mon crâne, le dentiste et son assistante semblaient se battre avec le système informatique qu’il a finalement fallu rebooter pour que tout rentre dans l’ordre.

Je crois qu’un studio hollywoodien a proposé d’acheter les droits d’adaptation de ce moment épique.

Néanmoins, comme tout film d’action américain, il s’est terminé sur un happy end ; tout le monde s’en est sorti vivant11, j’ai été autorisé à me mettre debout et me rincer la bouche. J’ai redécouvert le plaisir de sentir l’émail de mes dents, je devais être allégé de quelque 3 kilos de tartre.

Bilan des opérations…

Je suis donc sorti du cabinet un peu plus léger, un peu secoué, beaucoup moins noué qu’en entrant, et muni de deux bonnes nouvelles, deux mauvaises, un devis à envoyer à ma mutuelle et une ordonnance pour une consultation chez un spécialiste.

  • La bonne nouvelle n°1 : après plus de quinze ans sans suivi dentaire, je n’ai absolument aucune carie, et tous mes plombages sont encore bons12.
  • La mauvaise nouvelle n°1 : cette perte de densité osseuse couplée à un grincement inconscient des dents qui provoque le déchaussement nécessite un traitement particulier et la pose de l’attelle. D’où le devis.
  • La bonne nouvelle n°2 : grâce à l’attelle susmentionnée, pas de chirurgie. Ouf.
  • La mauvaise nouvelle n°2 : la couronne est trop vieille et semble avoir bougé. Il faut la remplacer. D’où l’ordonnance à un spécialiste dont j’ignore le montant subséquent13.

Voilà le bilan. La suite dépend de la mutuelle et de l’avis du spécialiste. Je sais que les prochaines opérations ne seront pas vraiment agréables, mais ne risquent pas d’être douloureuses. C’est déjà ça.

Maintenant, je vais voir s’il faut que j’ouvre un Kisskissbnnkbank14 pour payer mes futurs soins dentaires…

Sur ce, je vous fais la bise à l’aide d’une bouche détartrée, assainie par un bain de bouche plutôt costaud, et recouvert du masque habituel.

À la revoyure !


PS. La suite c’est par ici…



  1. Quelle horreur…↩︎

  2. Au moins. Je suis tenté de penser qu’on est plus proche de la vingtaine d’années, en fait.↩︎

  3. Doliprane®©™ est une marque déposée par Sanofi-Aventis. Ne pas dépasser la dose de 6x1000mg par jour. Consulter un médecin en cas de rougeurs, vomissements, diarrhées hémorragiques, pertes de cheveux, soutien à Zemmour ou problèmes grammaticaux avec les pronoms personnels.↩︎

  4. Notez que ladite personne assume un accent marseillais du cru.↩︎

  5. Hier, donc.↩︎

  6. Sans raison particulièrement liée au rendez-vous. C’est cyclique.↩︎

  7. Moi, mes deux cerveaux, mes viscères noués et mes dents entartrées.↩︎

  8. Des choses du genre : est-ce que je prends des médicaments contre la tension, les allergies, est-ce que je suis dépressif, est-ce que je porte un stimulateur cardiaque, est-ce que je mets des chaussettes avec des Crocs™, etc.↩︎

  9. Pour moi.↩︎

  10. À la fois rassurantes et inquiétantes. Une gageure.↩︎

  11. Même le chien.↩︎

  12. Je ne sais pas si c’est courant, mais moi ça me bluffe, quand même.↩︎

  13. Mais j’ai peur qu’il pique un peu, mutuelle ou non.↩︎

  14. Nan, j’déconne !…↩︎

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