— Chéri, mange ton bol de tapioca.
— J’veux pas, j’aime pas.
— Mange-le, ou sinon…
— …
— Ou sinon le vilain terrien viendra te chercher dans sa vilaine fusée pour t’emmener là où on envoie les petits aliens pas sages.
— Où ça ?
— Sur Terre.
— Oh, non ! D’accord, je mange.
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— Oh, alors vous aussi, à l’autre bout de l’univers, vous connaissez la saudade ?
— Bien entendu, petit humain. Tu nous prends pour des barbares ?
— Pas du tout, au contraire. C’est un noble sentiment.
— Quoi, la saudade ? Pas vraiment, non. Ici c’est une sauce, très pimentée. Tu veux goûter ? Avec un mijoté de gigot de hlúpa-hlúpa, c’est un délice. Enfin, si ton système digestif est assez solide. Sinon ça risque de te dissoudre de l’intérieur.
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— EUGENIA uniflora foliis integerrimis, pedunculis unifloris, lateralibus. Eugenia Indica, myrti folio deciduo, flore albo, fructu ſuaverubente, molli, leviter ſulcato & odoro. Myrtus Indica, foliis rigeſcentibus, latis ac recurvis, parùm odoratis.
– Et c’est censé invoquer quoi ?
— Un métadémon du cercle majeur infernal.
— Ben, je veux pas critiquer, mais tout ce qui est apparu, c’est un joli buisson chargé de fruits rigolos…
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— Pas étonnant qu’on vous ait mis la pâtée. Vous êtes une espèce si primitive, si archaïque…
— Oui bon, ça va, on n’évolue pas tous à la même vitesse, hein…
— Des appareils basés sur le silicium, avec une vitesse de calcul ridicule !
— Oui, je sais, on a encore la fibre optique, et vous la fibre quantique. Ça va nettement plus vite.
— Et vos armements… Ils sont bientôt plus dangereux pour vous-même que pour les autres !
— Sauf un.
— Hahaha, amusez-moi, petit humain. Lequel ?
— Celui qui vient d’exploser en orbite, il y a quelques secondes. Vous voilà bien songeur. Coupé du réseau peut-être ?
— Un EMP ? Vous avez osé ? Mais, c’est ridicule, vous vous êtes vous-même coupé de votre technologie.
— Et alors ? Nous sommes des primitifs. Un arc, des flèches, une hache en pierre, ça nous suffit pour fracasser vos petits crânes chauves. Tenez, regardez ceci…
— Un crayon ?
— Aucune énergie, aucun réseau. Et pourtant c’est désormais l’outil le plus évolué du moment ; celui qui va vous permettre de signer votre reddition.
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Felix Baumgartner, vêtu de sa lourde et encombrante combinaison atmosphérique, enjambe la plateforme de sa capsule qui l’a amené à la frontière de l’espace.
Après 4 minutes et 19 secondes de chute libre, Baumgartner se pose en parachute sur le sol, sans encombre.
Il met sur le compte de la désorientation le fait de ne pas bien reconnaître le lieu de son atterrissage. Une pelouse à la place du désert du Nouveau-Mexique. Il est encore plus sceptique lorsqu’à la place des membres de son équipe, il voit se diriger vers lui des véhicules étranges et des petits êtres filiformes à grosses têtes chauves.
L’un d’eux s’approche de Felix en soupirant :
— Et encore un… Je suppose que vous voulez que je vous amène à notre chef ?
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— C’est toujours la même histoire, avec toi !
— Mais, laisse-moi t’expliquer…
— M’expliquer quoi ? Tu dis que tu vas chercher du pain, et tu disparais sans donner de nouvelles !
— Mais, chérie…
— Ah, pas de chérie avec moi ! Tu l’as ramené, le pain, au moins ?
— Heu. Non, je… n’avais plus de monnaie.
— De mieux en mieux ! Et est-ce que môssieur l’oublieux de son porte-monnaie sait au moins depuis combien de temps j’attends le pain ?
— Heu… J’ai pas fait gaffe à l’h…
— Quatorze siècles !
— Ha, oui, quand même…
— Ma mère m’avait prévenue que c’était une erreur de marier un Immortel !
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L’invasion avait été soigneusement planifiée. Les habitants de la planète Jaboticabios ont lancé il y a plusieurs siècles une première vague d’invasion vers la planète Terre. Leur premier objectif, le plus adapté à leur physiologie, se situe en Amérique du Sud, plus précisément au Brésil.
Là, ils se sont implantés et ont commencé leur lent travail d’adaptation au milieu. Le plan prévoyait que leur lente mutation les dote d’une constitution suffisamment forte et adaptée au milieu terrien pour lancer une première vague de colonisation et donner ensuite le signal de l’invasion massive.
Hélas, il s’est avéré que leurs gonades, poussant en grappes contre leurs corps, se sont avérées un régal pour les habitants locaux. L’invasion a non seulement une tournée court, mais la situation s’est inversée ; les jaboticabas se sont retrouvés neutralisés et exploités par les humains de la région.
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Dans l’équipe, l’animosité naturelle entre notre magicien elfe, naïf et hautain, et notre guerrier nain, têtu et colérique, pouvait parfois atteindre des pics assez spectaculaires. L’un reprochant à l’autre de prendre tout le monde de haut et de ne pas servir à grand-chose, l’autre passant son temps à se plaindre de la petitesse de son intelligence et surtout de sa médiocre hygiène corporelle.
C’est pourquoi tout le reste de l’équipe fut surpris quand l’elfe offrit un jour au nain un talisman taillé dans une pierre ollaire.
Les jours qui suivirent, nous ne pûmes que constater un changement étonnant chez le nain. Il sentait bon et semblait de moins en moins crasseux. Le pouvoir du joyau de stéatite offert par l’elfe fonctionnait bel et bien.
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Les deux astronautes se tenaient blottis dans un recoin du module de service de la station spatiale. Ils tremblaient de peur, au bord de céder à une panique viscérale. Seuls occupants du complexe assemblage flottant en orbite, ils avaient condamné tous les sas et s’étaient réfugiés dans cet espace confiné, avec pour seule barrière entre eux et la source de leur terreur un sas capable de résister au vide spatial.
— Tu… tu crois qu’il est parti ?
— J’en sais rien. On n’entend plus rien.
Alors que les deux tendaient l’oreille, un bruit les fit sursauter et hurler de peur. Un grattement de griffes venait de résonner contre le métal du sas.
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Les deux astronautes étaient terrorisés, coincés contre la paroi du module. Ils fixaient de leurs yeux écarquillés l’épais sas qui leur faisait face. Ils virent se dessiner par à coups de nombreuses stries dans de métal de la porte. Trois traits parallèles gravés par quelque chose de pointu et plus solide que l’acier spatial.
Le métal céda et ils virent une déchirure s’agrandir devant leurs yeux horrifiés. La peur était telle qu’ils étaient désormais incapables de crier ou même de réagir.
Bientôt, la petite tête triangulaire du monstre parvint à franchir l’ouverture pour les fixer de ses yeux jaunes. Il se mit à miauler.
— Comment est-ce possible ? murmura l’un des hommes.
— C’est un chat persan.
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— Grand Maître. Je viens de fêter mon seizième printemps. J’ai passé l’épreuve d’initiation comme tous les autres de mon âge. Je sais que je ne suis pas né au village. Je veux connaître mon histoire. Je veux savoir qui est mon père.
— Je savais que ce jour viendrait. Et tu as le droit de savoir, jeune Skōyasa. Nous avons recueilli ta mère peu de temps avant ta naissance. Elle revenait du mont Parbata.
— Mais… c’est là où la légende prétend que le terrible Naga Mangkōn réside !
— C’est exact.
— Alors, vous voulez dire que…
— Oui, petit. Tu es le fruit du dragon.
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Les trois coups du Big Bang ont retenti. Le rideau se lève sur la scène infinie de l’Univers. La grande symphonie des astres commence. Puis, quelques éons plus tard, le grand chef d’orchestre tapa rageusement sur son lutrin.
La Terre ne faisait que de fausses notes.
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Comme tout un chacun, l’Immortel avait lui aussi peur de mourir.
La différence, c’est que pour lui, cela représentait la perspective d’une longue et ennuyeuse corvée administrative.
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C’est Internet qui a popularisé ce placide animal qui semble systématiquement amical. En parallèle, un palier dans les technologies transhumanistes permit le clonage métamorphique. En d’autres termes, il était désormais possible de se réincarner dans l’être vivant de son choix.
Il y eut d’abord une nuée de chats et autres bestioles à fourrures et vaguement humanoïdes, mais cette mode malsaine fut heureusement passagère. Elle céda le pas à celle du capybara. Tout le monde voulait abandonner sa vie stressante et aliénante pour celle, paisible et sans soucis, de ce gros rongeur sympathique.
En l’espace de deux générations, il n’y avait plus un seul humain sur Terre. Le plan de conquête des capybaras avait totalement réussi.
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— Pourquoi le ciel est bleu ?
— C’est une histoire de longueur d’onde de la lumière à travers l’atmosphère terrestre. Regarde la fiche Wikipédia.
— Pourquoi on compte les heures comme ça ?
— C’est une convention héritée des Égyptiens et des Chaldéens. Regarde Wikipédia.
— Pourquoi l’ornithorynque est-il classé dans les mammifères alors qu’il pond des œufs ?
— Parce que malgré qu’il soit ovipare, il allaite ses petits. Wikipédia…
— Pourquoi la Terre…
— Rhaaa ! Absorbe tout Wikipédia ! Ça me fichera la paix pendant au moins…
— 2,6 secondes. J’ai fini. Mais, du coup, pourquoi l’utilisateur Xerton2000 met-il en doute ce que Jujudu71 a écrit dans la fiche sur l’actrice Joy Pantyfull ?
— Ça s’appelle une guerre d’édition et… J’en peux plus d’être éducateur d’I.A. Je démissionne.
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Sans qu’on cherche à spécialiser les mondes, il était de notoriété commune que la planète Braa-Zl fournissait tout l’Empire en avocats. Ce qui représentait un marché important tant les litiges à traiter sur des milliers de mondes étaient nombreux et complexes.
Il y eut cependant un jour une très importante crise qui faillit remettre en question le monopole insolent de cette planète, lorsqu’un important nombre de ces avocats se mit à travailler de manière étrange, faisant des erreurs incroyables, rédigeant des dossiers absurdes et illisibles, et finissant par mourir rapidement, la peau verte fortement tavelée.
Le problème fut résolu lorsqu’on comprit qu’un parasite avait rendu malade de très nombreux avocatiers. Une fois bien traité, tout revint dans l’ordre.
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L’expédition avait été envoyée sur une planète tropicale, dont les seules surfaces émergées sont d’immenses mangroves. L’atmosphère étant respirable, ils pouvaient se déplacer librement grâce à de petites embarcations à fond plat propulsées par des moteurs électriques.
Alors que le soir tombait lentement, les explorateurs ayant sillonné et cartographié une fraction du continent flottant se décidèrent à bivouaquer. Après avoir trouvé un lieu adéquat, ils installèrent leurs tentes et entreprirent de faire un feu de camp.
Alors que les premières flammes dansaient au centre du campement, on tapota sur l’épaule d’un des explorateurs. Se retournant, il découvrit, au bout du pneumatophore qui s’appuyait sur sa clavicule, un palétuvier aux yeux d’écorce braqués sur les petits humains.
— Tss, tss, fit-il en agitant sa racine. Pas de ça ici, les copains.
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— Donc c’est censé être un…
— Un ouistiti, oui.
— Un ouistiti… je vois. On est d’accord qu’un ouistiti est un petit singe, n’est-ce pas ?
— Oh, je dirais entre 15 et 30 centimètres, en moyenne.
— Tout petit ?
— Tout petit.
— Je ne dis pas de bêtise en disant qu’il y a eu une erreur quelque part ?
— Hélas, vous avez entièrement raison. Une histoire de virgule flottante dans l’algorithme de séquençage, je pense.
— Vous pensez… hum. Et quel nom pensez-vous lui donner, à votre ouistiti raté ?
— Heu… King Kong ?
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La colonisation de la petite planète avait pourtant semblé facile au début. Un peu plus petite que la Terre, dotée d’un écosystème très riche, sans aucun danger immédiat pour les colons. Seule particularité : il y pleuvait en permanence. Mais, comme les responsables du projet l’ont seriné aux candidats à l’expatriation : « Une petite pluie n’a jamais fait de mal à personne. »
Directement, non. Indirectement, une averse constante jour et nuit, l’absence d’un réel rayon de soleil a petit à petit miné le moral des pionniers. Ainsi, sur le panneau d’affichage public, au centre de la petite capitale, un avertissement clame :
« 5 jours sans la mention “Après la pluie, le beau temps”. Le dernier à avoir osé : Kevin H. qui a été banni et exilé. Que ça serve d’avertissement à tous ! »
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L’expédition Alterra 17 venait d’atterrir sur la petite planète forestière. Elle avait attiré l’œil des scientifiques par sa luxuriance, et par deux caractéristiques fort étranges. D’abord, les arbres qui constituaient l’essentiel de la flore visible depuis l’espace étaient d’un rouge artériel. L’autre étant que pour des raisons techniques incompréhensibles, la face nocturne de la planète était impossible à survoler. Quelque chose perturbait les instruments au point de rendre les vols extrêmement dangereux. Les quatre membres avaient donc pour objectif de passer le terminateur et explorer autant que possible le côté de la planète plongé dans la nuit.
Ils s’étaient enfoncés dans la forêt enténébrée depuis plusieurs kilomètres, se guidant à l’aide d’une antique boussole, lorsqu’un rugissement les tétanisa.
Puis, avant qu’ils n’aient eu le temps de fuir, tous les arbres autour d’eux prirent spontanément feu.
Ils avaient été pris au piège de la forêt de bois de braise.
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Je rentrais, tard le soir, chez moi après une soirée autant arrosée que conviviale en compagnie de quelques amis. L’un d’eux, auteur vivant à cheval entre la métropole et la Martinique, a lancé une discussion passionnante sur le Roi en Jaune, Lovecraft et la première saison de True Detective. Ça nous a occupés toute la soirée, et je suis parti des idées de récits étranges plein la tête. Alors que je longeais une vieille église fermée, coincée entre une banque et un immeuble de bureaux, un mouvement a attiré mon regard. Ralentissant mon pas, je scrutais les ombres autour des colonnes de l’église.
C’est alors que j’entendis chuchoté à mon oreille, ces mots :
— Avez-vous trouvé le Signe Jaune ?
Me retenant de hurler, je suis parti en courant.
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L’instituteur avait un mal fou à se faire entendre dans sa classe survoltée. Il n’avait ni beaucoup d’expérience ni beaucoup d’autorité, et les gamins s’en sont très vite rendu compte. Ses heures de cours n’étaient que chahut et bêtises. Personne, pas même le petit binoclard à la coupe de Beatles n’écoutait ce qu’il tentait de leur inculquer.
Il décida de leur donner une dernière chance, criant pour tenter de couvrir le brouhaha :
— Gare à vous si vous ne m’écoutez pas !
Après avoir attendu quelques secondes et constaté la vanité de son ordre, il posa son grimoire sur son pupitre et marmonna quelques incantations. En quelques secondes la salle fut balayée par un maelstrom de démons en furie, chacun arrachant du sol un des enfants hurlants de peur, pour s’engouffrer ensuite dans la faille pandimentionnelle d’où ils avaient surgi.
En un instant, le calme fut revenu. L’instituteur de Sciences Occultes soupira d’aise. Il nota ensuite dans son agenda de convoquer les parents pour une prochaine séance. Eux non plus n’écoutaient pas.
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Nous n’étions plus seuls dans l’univers. Une autre race intelligente avait pris contact avec nous. De loin supérieurs à nous en tout point, ils se sont montrés condescendants, arrogants et suffisants, souvent à raison.
Nous avons, par exemple, mis très longtemps à découvrir qu’ils étaient capables de communiquer en double. Ils parvenaient à communiquer oralement avec nous ou entre eux en notre présence tout en échangeant entre eux des messages qui étaient transmis sur différentes fréquences que nos oreilles ne pouvaient capter.
Lorsque nous fûmes en mesure d’élaborer un dispositif capable d’enregistrer et de traduire les messages cachés des Palimpestis — comme nous les avons surnommés, nous découvrîmes que l’essentiel de leurs conversations cachées parlait de nous en termes vulgaires, insultants et moqueurs.
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Le couple d’oiseaux fantastiques regardait avec perplexité la petite flammèche qui brûlait dans leur nid depuis des semaines. Car il avait beau être un animal mythologique, le phénix n’en était pas moins un animal, alors comment leur expliquer que leur petit rejeton était mort-né ?
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Lorsqu’en pleine tempête, les marins, confiant leurs vies aux dieux marins, écoutent attentivement les mugissements du vent. Ils guettent les notes de la conque de Triton.
Et, si celle-ci retentit, leurs respirations et leurs cœurs s’arrêtent le temps d’un intervalle pourtant court, mais tout de même interminable. Lorsque la dernière note retentit enfin, ils savent alors si leur sort est scellé ou s’ils iront avec soulagement déposer une oblation à Poséidon.
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Mon petit vaisseau fait encore des siennes. J’ai pu rallier le port de Gamma-10, mais il est plus que temps pour une révision. J’ai appelé les autorités portuaires, et elles m’ont envoyé leur accordeur attitré.
Le petit bonhomme est entré dans mon appareil avec sa lourde sacoche en cuir en bandoulière, et après m’avoir brièvement salué, il a jeté un œil au navire. Il a sifflé d’admiration.
— Mazette, un Stardivarius X-117. Belle machine, mais un peu capricieuse. Je vais vous retaper ça. En général, sur ces modèles, ce sont les couronnes d’éclisses qui prennent du jeu. On va vérifier celles près du sillet bâbord, le temps que je prenne mon trousseau de lousses…
Une heure plus tard, mon vaisseau chantait à nouveau juste. J’ai réglé ma facture, et j’ai repris l’espace en sifflotant.
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Un vieil auteur, amateur pas très connu
Barbu et ventru
Devait écrire
Un mot par jour, tentant de faire rire
Ne rit que lui
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Le planétoïde avait une forme ovale, comprimé à ses extrémités. La surface était lisse, mais accidentée de légers renflements de tailles diverses. L’effet était sans doute renforcé par la lumière émise par le petit soleil du système, mais la petite planète semblait d’un jaune prononcé.
Bien entendu, le sergent ne put se retenir de demander à la cantonade si on avait pensé à apporter suffisamment de sel et de tequila pour tout le monde.
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Je m’étais porté volontaire pour ce programme expérimental de sommeil prolongé assisté par I.A. et utilisant de manière intensive la réalité virtuelle. On m’avait expliqué que j’allais être plongé dans un coma induit artificiellement et « dormir » pendant plusieurs semaines. Lorsque le programme serait au point, il serait un des tenants incontournables des futurs voyages spatiaux. J’ignore depuis combien de temps je suis dans le système, j’ai perdu toute notion du temps. Je flotte dans un délicieux néant, sans pesanteur, sans sensations, juste la couette rassurante d’un bruit blanc permanent. Je ne m’en lasse pas.
— Plus aucune réponse cognitive. Les signaux sont tous plats. On a définitivement perdu le sujet 357.
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— Veux-tu m’enlacer ?
— Non.
— Veux-tu aller me cueillir un bouquet de galaxies ?
— Non.
— Veux-tu me peindre toutes les aubes de tous des mondes à nos pieds ?
— Non.
— Veux-tu précipiter la fin des temps pour m’offrir l’ultime feu d’artifice ?
— Non.
— Alors, est-ce que tu ne m’aimes point ?
— Je t’aime plus que tout. Plus que tous ces mondes que nous voyons, plus que ceux qui nous sont encore cachés. Je t’aime plus que le temps lui-même.
— Alors, pourquoi me dire non à chaque fois ?
— Parce que, mon adorée, dès que j’aurai exaucé le moindre de tes délicieux vœux, ma divinité me sera ôtée, tel un vêtement qu’on déchirera. Je ne serai plus qu’un ridicule mortel à qui l’on refusera ta contemplation, ta promiscuité. Alors, je préfère ta juste colère envers moi plutôt que de te perdre.
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— Je voulais vous mettre les points sur les I, mais je ne pensais pas enfoncer le clou.
— Ne me faites pas rire, ça fait un mal de chien.