Mardi 2 février - Temps clair, 8° - 4755 mots
J’ai reçu une curieuse enveloppe ce midi. J’attend effectivement quelque chose qui me tient à coeur1 mais je sais pertinemment que ce n’est pas encore parti, alors c’est loin d’être arrivé.
Ce qu’il y avait dans la boite ce midi, c’était deux exemplaires d’un numéro double2 de Géante Rouge, un petit bouquin de 113 pages, appelé Autre temps signé par le Collectif P.U.A.T.. Ceux d’entre vous qui sont les moins encombrés du nez auront peut-être remarqué que l’acronyme P.U.A.T. est formé des initiales de Pour Un Autre Temps.
Ce collectif, troisième du nom, est dirigé par Lucie Chenu et Hugo van Gaert, et a réunit quatorzes personnes autour d’un forum qui servait de collecteur.
Le principe des P.U.A. était simple, et assez proche d’un exercice OuLiPien. Chaque participant venait avec un texte original, puis le “livrait” à la collectivité; un autre participant le reçevait et le remaniait à son idée, puis passait la main à quelqu’un d’autre.
En d’autres termes, un texte passait par quatorze plumes successivement. Et au bout du tuyau, quatorzes textes avaient été écrit par quatorzes auteurs… chacun. L’idée est marrante, je dois l’admettre. Et j’y ai joué.
Mais je n’ai pas été jusqu’au bout. En fait il s’est avéré que je n’ai pas du tout adhéré au principe du “jeu”. Je n’ai pas apprécié le principe de surmodifications. C’est-à-dire que j’ai déjà travaillé comme relecteur pour différentes personnes, et c’est un exercice intéressant et gratifiant (pour peu que l’auteur apprécie les suggestions), mais là où ça a coincé pour moi dans le PUAT, c’est de se casser la tête à améliorer un texte, le rendre au collectif content de son travail, persuadé d’avoir contribué à en faire un bon texte, et de voir son collègue ayant reprit ledit texte retirer en grande partie ou complètement ce qu’on vient d’apporter pour en faire tout autre chose, bon ou mauvais (et dans le cas que j’ai en mémoire, fondamentalement mauvais).
On peut me reprocher une certaine partialité, un affect trop fort vis-à-vis de mon propre travail, mais je pense être juste. Après tout, le jeu implique qu’on améliore, on peaufine le texte de l’autre. Tout nettoyer et repartir sur la base de l’auteur c’est nier la participation de l’autre, c’est tout simplement jouer perso, comme on dit.
Donc, après deux ou trois constatations du même genre, j’ai demandé à quitter le collectif. On a accepté ma demande et mes raisons (sans me donner ni tord ni raison. Merci Lucie) et je suis passé à autre chose. Vraiment. J’en ai oublié jusqu’à l’existence de cet atelier.
Il y a quelques mois, un an peut-être, Lucie m’envoie un mail pour que je lui redonne mes coordonnées en m’expliquant qu’elle s’occupe de la publication du P.U.A.T. J’ai mis un peu de temps à comprendre de quoi il retournait. Je lui donne les informations demandées, mais je précise que je ne vois pas en quoi je suis concerné. D’après elle, le fait que j’ai retravaillé quelques textes (approximativement quatre ou cinq, mais lesquels ? Lesquels ?) fait de moi un participant, un “auteur” du PUAT. Je met auteur entre guillemets car selon le principe du PUAT, l’auteur est une entité composé de quatorzes personnes. J’ai essayé de lui expliquer que vu la tournure qu’avait prise l’opération et vu que je n’avais moi-même pas livré de texte de départ3, je ne voyais aucune raison légitime pour me compter dedans.
Naturellement, elle ne m’a pas écouté. J’ai reçu deux exemplaires d’auteur, et mon nom figure bien parmis les auteurs du collectif.
J’espère que vous saisirez bien en quoi je suis profondément frustré par cette affaire. En effet, ce jour j’ai entre les mains la première publication sérieuse et professionnelle dans laquelle mon nom figure. Or c’est pour une oeuvre pour laquelle je considère que ma participation est illégitime !
C’est horrible ! Lucie, je te déteste ! (mais je n’en pense rien, naturellement…)
Vivement que Flamma-Flamma, malgré sa piteuse couverture, arrive entre mes mains… Là, j’aurai de quoi être fier d’avoir vraiment travaillé à cette oeuvre.
Bon, nuançons, nuançons. Je suis très heureux pour les autres membres du PUAT, car c’est eux les véritables géniteurs de ce petit recueil. Moi, je suis un usurpateur.
Et c’est tout ce que j’avais à dire.