|||

Lettre ouverte à la régie de bus d’Aix-en-Provence

Cher Keolis, Cher Aix-en-Bus,

Vous êtes actuellement en grève. Pour des raisons qui, de l’extérieur où je me trouve, semblent tout à fait légitimes. Et, dans l’absolu, je vous soutiens.

La grève est un droit constitutionnel en France, et l’exercer, au-delà du cliché franco-français, est quelque chose de fondamentalement sain.

… Quand c’est bien fait.

J’ai attendu une journée1 avant de narrer ici les raisons qui m’ont fait (re)prendre la e-plume. Histoire de laisser le temps d’expurger mon propos d’invectives, grossièretés et menaces de sévices aussi lents que douloureux2.

Hier, j’avais rendez-vous avec deux amis en milieu de matinée au centre d’Aix pour papoter, s’hydrater3 et si pas refaire le monde, tout au moins consolider le nôtre imaginaire.

Je ne pouvais pas rester trop tard, d’autres amis devaient nous rejoindre pour le café. Bref.

Lorsque tout va bien et que mes horaires ne sont pas trop compliqués, je préfère prendre la voiture, m’arrêter à mi-chemin d’Aix dans ce qui s’appelle le parc relais des Hauts de Brunet, où en manière de ticket de parking je reçois un ticket de bus valable pour deux voyages. Que j’y reste une heure ou la journée, le tarif est le même ; 2,50€4, ce qui est bien plus avantageux que les parkings souterrains d’Aix dans lesquels on peut laisser un demi-SMIC selon l’heure où on s’y parque5.

Cela fait déjà quelques semaines qu’un mouvement de grève paralyse le réseau des bus aixois. J’ai l’avantage de pouvoir décider très vite de m’arrêter au parc relais ou de continuer et me garer en ville. L’indice fort étant que si aucune des plateformes6 n’est occupée par un bus et qu’aucun usager n’est en train d’attendre, c’est très mauvais signe.

Et c’est ce qui m’arrivait jusqu’à hier.

Hier matin, en passant, je vois des gens attendre sur les quais, et même un bus de la ligne 5 stationné sur sa plateforme. Yay ! Youpi, ils sont revenus ! Je me gare donc, et je descends en ville en bus. Chouette7 !

Les copains me rejoignent, on fait ce qu’on est venu faire, c’est cool, il fait beau, trop estival, mais profitons-en, etc.

Puis, vient l’heure de se séparer. Les deux repartent quérir leurs chars à leurs parkings respectifs, et moi, je vais rejoindre l’arrêt du haut de l’Avenue des Belges, point de passage de ma ligne 5 qui me ramène, après un tour de ville, au parc relais où je suis garé.

Il y a du monde qui attend. Et qui grogne. Parce qu’apparemment, des bus ne passent pas. Je lève le regard sur l’écran annonçant les prochains bus. Seuls deux exemplaires de la ligne A sont affichés. Rien d’autre. Rien d’autre qu’un message signalant que houlàlà perturbations, grève, désolé.

Je reste un moment perplexe, à vérifier la table des horaires du 5, mais après quelques minutes (à voir passer un A), je constate que le panneau d’affichage ne promet plus qu’un autre A et c’est tout.

Je pratique ces transports en commun depuis assez longtemps pour savoir que si aucun bus 5 n’est affiché, en ces périodes troubles, c’est que c’est mauvais signe. Honnêtement, ça pue même comme un vieux maroilles oublié sur un radiateur en hiver.

Je n’ai donc guère le choix ; pas question de payer un taxi ou autre Hubert. Je passe mon courage en mode manuel, et je me mets en route.

Traverser le centre-ville.

Remonter jusqu’au boulevard Aristide Briand.

Tracer ma route sur Solari.

Me taper la montée jusqu’au parc relais.

3 kilomètres. Sous le cagnard.

C’est rien, 3 kms ? Mais t’as raison, fiston. Ça reste 3 pu…naise de kilomètres sous une chaleur anormale, pour un vieux mal entretenu et tout rouillé.

C’est 3 kms que j’ai payé pour faire en bus !

Je suis arrivé à ma voiture en nage, les jambes flatigeolantes, et furieux comme un chien à qui on a confisqué sa baballe8.

Furieux, parce que je pense sincèrement que mener ce genre de mouvement de contestation est contre-productif et témoigne d’un esprit de corps sclérosé et si profondément ancré dans l’ADN de l’employé français qu’il prouve qu’aucune réflexion intelligente n’émerge de ce genre d’actions.

Le principe de la grève, c’est bien de faire que les employés montrent, par des actes de rébellion, leur mécontentement aux dirigeants de leur entreprise, n’est-ce pas ?

Ce que je ne comprends pas, ce que je trouve absurde, voire complètement idiot, c’est que ce mouvement de grève ne prend pas la direction en otage9, mais les usagers. Est-ce que les chauffeurs de la zone d’Aix ont conscience qu’ils font grève non pas vis-à-vis de leurs patrons mais bien vis-à-vis de leurs clients ?

Un truc tout bête : une grève des transports au Japon. Là bas, lorsqu’ils veulent revendiquer, les chauffeurs de transports en commun n’arrêtent pas le travail. Ils enfilent un brassard pour signaler leur mécontentement, et… ils débranchent les composteurs.

Les gars, pourquoi vous ne faite pas un truc aussi évident, de bon sens : bossez10, mais faites monter les gens gratuitement !

C’est que du bénéfice :

  • Le service est assuré, les gens sont contents, donc de votre côté
  • Le voyage est gratuit, les gens sont contents, donc vous soutiennent
  • C’est une perte sèche pour la société, les patrons font la gueule, et c’est le but de la grève
  • Vous tournez, vous bossez quand même, on ne peut pas vous le reprocher

Merde, c’est pas compliqué d’en arriver à cette idée !

Alors pourquoi j’ai dû me crever la santé à remonter à pied en crevant de chaud, pour payer un voyage qui n’a pas été assuré ?

Non mais bordel de ██████████ de ████████ de sa ████████████ dans ta ████████, je vais te ███████ la ████████ jusqu’au ████████████ et après t’iras pleurer ta ███████ à ta ████████████ dans les ██████. Espèce de sale ██████████████ !

(Mince, j’ai craqué finalement…)


  1. …de repos…↩︎

  2. J’y pense encore, hein…↩︎

  3. À nos âges, c’est raisonnable.↩︎

  4. Ça reste raisonnable bien que depuis deux ans, ça ait salement augmenté. Le tarif précédent était de 1,8€.↩︎

  5. Je m’amuse parfois à imaginer qu’il serait plus rentable d’y abandonner la voiture et d’aller en acheter une autre.↩︎

  6. Le parc est le terminus des lignes 5 et 7.↩︎

  7. Seul bémol : j’avais oublié mes oreillettes, alors je n’ai pas pu rattraper mon retard de mon podcast préféré. Tant pis.↩︎

  8. Il faut que je m’inscrive à ce cours sur les métaphores et périphrases efficaces…↩︎

  9. Ou alors légèrement par la bande.↩︎

  10. Limite en alternant un peu, genre en diminuant les rotations d’un tiers, chépas, moi…↩︎

Dans les épisodes précédents… En passant… Du recul sur une superproduction
Dernières entrées Writever 2024 — Février Writever 2024 — Janvier Un dernier billet avant la fin du monde Un état du temps qui passe… Les Chants de Sennaar Le point écriture de la rentrée Jordan Mechner, Replay Le petit voyage en Crète — Les T-shirts Le petit voyage en Crète — Chapitre Final Le petit voyage en Crète — Chapitre 10 Le petit voyage en Crète — Chapitre 9 Le petit voyage en Crète — Chapitre 8 Le petit voyage en Crète — Chapitre 7 Le petit voyage en Crète — Chapitre 6 Le petit voyage en Crète — Chapitre 5 Le petit voyage en Crète — Chapitre 4 Le petit voyage en Crète — Chapitre 3 Le petit voyage en Crète — Chapitre 2 Le petit voyage en Crète — Chapitre 1 Saviez-vous qu’un chat a cosigné des recherches scientifiques ? Je n’ai plus la patience… Trois tiers de critiques Dans le périscope de juin 98 % (le court-métrage) J’en ai des choses à raconter. La question est : comment ? Les Archives ferment La Sicile, jour 6 La Sicile, jour 5 La Sicile, jour 4 La Sicile, jour 3 La Sicile, jour 2