Oui. Bon. J’avoue, je me suis « procuré » Doom. J’en avais bien envie parce que bon, Doom ça reste quand même pour moi l’un des plus vieux et des plus marquants souvenirs de jeu vidéo. C’était l’une des premières démonstrations que le PC pouvait devenir une véritable plateforme vidéoludique.
Et même si Doom3 avait déçu par une attente trop longue que n’avait su compenser un quelconque apport d’originalité (mais une putain d’ambiance, il faut bien le dire), Doom restera l’une des pierres angulaires de l’histoire du jeu vidéo.
Donc, quelque part, c’était normal qu’Hollywood, dans sa grande quête du « qu’est-ce qu’on peut filmer maintenant qu’on n’a plus d’idée du tout ? » se dise qu’il était temps d’adapter à l’écran un jeu mythique. C’était d’autant plus une sacré bonne idée qu’à chaque fois qu’on a adapté un jeu vidéo à l’écran, c’était finalement un ratage sérieux (avec beaucoup de variantes sur l’échelle, mais c’est très subjectif).
Ben là, on a fait pêter le médiocromètre. Dans l’rouge le mérou[^note01] !
Pourquoi ? Plusieurs réponses : «The Rock», les enfers, le scénario cases-à-cocher et film-costaud 30 minutes.
D’abord, parlons du quartier de boeuf; l’acteur… pardon, mais ça me fait rire. Le comédien… non plus. Ah, c’est une colle hein !
Bon, le mec qui au générique se fait appeler «The Rock». Le rocher. Dwayne Douglas Johnson, catcheur de son état, s’est fait connaître dans l’excellent La Momie de Stephen Sommers où il n’avait rien d’autre à faire que ce que son personnage nécessitait : être une figure hiératique de demi-dieu. Parfait.
Remarquez, incarner un sergent d’une troupe de mercenaires, il était taillé pour. Comme furent à leur époque les quartiers de viande européens s’incrustant dans le ciné américan tels Schwarzennegger, Lungren ou Stallone.
Mais je crois qu’en tant qu’anti-acteur, Ze Roque se pose là. Et ce n’est pas une image, le Rocher est monolithique. Que ce soit pour figurer la volonté, la colère, l’angoisse ou le je-perd-les-pédales, autant passer des semaines à chatouiller les fesses d’un pavé de marbre pour le faire marrer, vous obtiendrez sans doute la même chose que le réalisateur de Doom en donnant des directions d’acteur à Zorrok.
Sauf à la fin, où je ne sais pas ce que le réa lui a donné, mais tout à coup voilà Zrok envoûté, possédé par l’esprit de Louis de Funès, se livrant tout à coup (sous le coup d’une zombification de bon aloi) à un festival de grimaces crispées, comme si toute l’équipe technique s’était amusée à faire un concours de pet pendant la prise.
Bref, ce type est peut-être sympa mais si on dit que c’est un acteur, Vin Diesel peut prétendre au prix Nobel d’interprétation masculine.
Bon. Qui peut me résumer le scénario des jeux Doom ? Je dis résumer, mais je pourrais tout aussi bien dire «développer», ça ne prendrait pas beaucoup plus de place.
Voilà : sur Mars, on découvre un système de portail interdimentionnel qui pourrait être utilisé comme téléporteur.
Après quelques tests, on n’a plus de nouvelle en provenance de Mars. On envoie une troupe de marines (qui se retrouve très vite tout seul : vous) pour découvrir que les légions des Enfers sont passés par le portail.
Je sais, rien de folichon, mais on parle de l’ancêtre du FPS, faut pas l’oublier.
Et ce qu’il ne faut pas oublier, ce sont les tronches des ennemis qu’on rencontre; outre les Imps balançant des boules de feu, il y avait les démons, les lost souls, les chiantissimes cacodémons, les coriaces hell knights.
Mais surtout il y avait les « bosses », aussi impressionnants qu’improbables, dont l’arachnotron et sa maman le spider mastermind, le Mancubus ou pour finir le terrifiant Cyber démon.
La plupart avaient disparus de la version 3 (qui se voulais plus réaliste), mais on y trouvait quelques nouveautés, comme le boss de fin, beau et grand a faire pâlir un Cyber-démon et complètement absent du film…
Pourquoi ? Parce que les scénaristes (oui, ils sont plusieurs, on se demande à quoi ils ont passé leur temps) ont trouvé plus pertinent d’oublier l’origine des monstres des jeux pour tout simplement nous resservir cette bonne vieille soupe tiédasse et fadasse du «nos scientifiques ont encore fait joujou avec le génôme houlalala va encore falloir nettoyer derrière» .
Dans Doom-le-film c’est donc des mutants qu’on casse. Et quels mutants ! De pauvres zombies assez ridicules, des trucs vaguements humanoïdes couverts de confiture bien luisante et qui crachent leurs langues (qui mène sa vie propre, j’vous jure !) et un gros méchant qui pourrait s’apparenter à un pseudo-cyber-démon mais qui ne s’avère être qu’un vulgaire condamné à mort qui s’est «porté volontaire» pour expérimenter on-sait-pas-trop-quoi-mais-c’est-douloureux.
Ah, et la seule concession est le maintenant célèbre pink demon qui ne s’avère n’être rien d’autre que ce pauvre Dexter Fletcher qui cachetonne dans ce navet alors qu’on l’avait trouvé si bien dans Lock Stock… par exemple.
En matière d’hommage au film, on se rapproche plus de la première adaptation d’Astérix; un anti-hommage fait sans esprit, sans motivation autre que tacheroner sur commande.
À part les armes, la vue subjective (lire plus bas) et le titre, on retrouve pas grand chose de notre jeu. Pas de foire aux armes (bien qu’on laisse entendre ça au début quand les mercs découvrent le laboratoire des armes curieuses) même si le plasma pulse est là (mais il ne sert que deux fois), pas d’apparition de la célèbre tenue du marine, pas de monstre, rien.
Autant de lien entre le film et le jeu qu’on peut en trouver entre les jeux Final Fantasy et le film éponyme (quoique), même si ce dernier est quand même réussi.
Ho, tiens, je ne vous ai pas non plus parlé de la logique intrinsèque à la narration. Vous inquiétez pas, ça va aller vite.
Les mercs débarquent sur Mars (via le portail de téléportation du jeu qui ne sert ici qu’à faire des allers-retour Terre-Mars) et prennent le contrôle de la situation. La base est en état d’alerte maximum, mais des civils grouillent partout (en tout cas dans les deux salles éclairées normalement), y’a même des petites blondes qu’un des mercs a le temps de draguer ouvertement.
Ensuite, le cliché veut que la bande se sépare en trois groupes et pouf, ils sont partie explorer la base, qui soudainement ne semble composée que de coursives d’aération et d’égoûts.
J’ai un peu de mal avec l’architecture de la base elle-même… Soit les concepteurs ont voulu des couloirs de service très mal éclairés et plutôt crades, soit il n’y a que des conduits d’entretiens qui doivent coûter plutôt cher à éclairer…
Je vous passe la manière dont chaque mercenaire se fait tuer bêtement pour ne garder que les héros-et-méchants…
En tout cas, voici en exclu le déroulement du scénario :
Bon. Alors, pas d’acteur, pas de scénario, pas d’intérêt. Qu’est-ce qu’il reste ?
Rien. Pour moi il ne restait qu’à attendre la très célèbre séquence du «comme-dans-le-jeu» , c’est à dire un passage de quelques minutes (5 ou 7, j’ai pas minuté) où l’on passe à la première personne, vue subjective du seul mercenaire encore debout.
Le passage est techniquement très bluffant, véritable séquence de jeu où l’on regrette presque qu’il n’y ait pas d’affichage de score en surimpression. Mais est-ce vraiment génial ?
Ben non, pour plein de raisons; tout d’abord, même si c’est amusant à regarder (surtout le début), ce passage n’a aucun intérêt scénaristique, juste le mérite de pouvoir dire «on l’a fait», et ne s’intègre aucunement dans le déroulement de, heuuu… l’histoire.
Ensuite, c’est très mal monté. On nous livre un passage du jeu qui devrait logiquement se justifier par une continuité nécessaire puisque subjective, or la séquence est découpée en plans cuts nous faisant sauter d’un couloir à l’autre, d’une fusillade à l’autre.
C’est, je pense, un artifice d’ellipse voulant faire sentir au spectateur qu’on a collé quelques morceaux éparses représentant les heures d’errance du personnage dans la base qu’on devine immense (mais non, non, jamais dans le film on ne dépasse 200m de couloirs).
Et, pour couronner le tout, l’action se résume à une suite de grotesques petits gags[^note02] qui finalement pousse le spectateur à espérer que tout ceci se termine très vite[^note03].
Ceci fait, on reprend une narration classique pour passer très vite au combat final. Qui, pour que tout ceci reste constant, s’avère être très chiant.
Le très méchant est très mort, la base martienne très isolée, la base terrienne très massacrée, y’a plus très personne, juste le mercenaire très sans peur et sans reproche et sa soeur très évanouie qui prennent l’ascenseur vers la surface, la liberté et un très gros tas de paperasse et de commissions d’enquête pour tenter de comprendre pourquoi un très gros tas de fric public a très mal tourné et à qui on va faire porter le chapeau…
En résumé, vous savez quoi ?
C’est le premier film que je récupère par le net. C’est aussi le dernier et le fichier a déjà disparu de ma machine. Ce machin ne méritait pas mieux.
Vous croyez que, comme dans mes rêves les plus absurdes (mais sympa quand même), Kasso ou Florent Siri n’aimeraient pas adapter au cinéma l’excellent HALF-LIFE ? :)
— [^note01]: Cette expression ne veut rien dire et merci bien. [^note02]: Le zombie dont la hache coupée par une balle vient lui retomber sur le crâne est vraiment… navrant. [^note03]: Surtout si comme moi on s’est retrouvé piégé à regarder ça à minuit passé.