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Walrus Institute

Une micronouvelle

J’étais convoqué dans le Saint des Saints, le bureau ovoïde du Walrus Institute !

Je ne vous cache pas mon excitation. C’était pour moi la consécration. Je me disais que cette invitation était due à l’affaire du Machkara. Certes, je n’y avais pas particulièrement brillé par manque de connaissance et de préparation. Mais malgré la réprimande que j’avais reçue pour avoir négligemment laissé fuir le monstre parce que je le croyais neutralisé, l’intendant Roch m’avait fait confiance et m’avait soutenu malgré tout. Après tout, ça n’était pas une mission pour un première année et j’avais pourtant survécu.

J’entrais donc dans le bureau du directeur du W.I., le célèbre Herr Saïemonne. Je ne l’avais encore jamais vu d’aussi près, et je dois admettre que la bête mérite bien toutes les légendes qui lui collent à la cuirasse. Assit contre son immense bureau, du haut de ses deux mètres trente, il m’a toisé de son regard de Terminator fou durant tout le temps qu’il m’a fallu pour approcher de son bureau. J’avais la désagréable impression d’être visé par le laser d’un sniper.

Arrivé devant lui, j’exécutais un salut impeccable et déclinais mon identité suivant le protocole appris durant mes classes. Il n’esquissa aucun geste. Il ne respirait même pas, à vrai dire. C’est beau la cybernétique. Je restais au garde-à-vous, attendant son bon vouloir.

Il finit par s’asseoir dans son fauteuil hi-tech qui lui servait également d’interface neurale et de dock de chargement pour tout son attirail biomécanique.

— Tout d’abord mes félicitations pour cette mission improvisée, dit-il de sa voix artificielle et glaçante.

On m’avait prévenu ; sa voix métallique faisait que dans sa bouche le plus chaleureux des compliments résonnait comme la plus cruelle des condamnations à mort. Je ne pus pourtant m’empêcher de sourire ; je venais de recevoir un éloge du big boss himself !

— Je n’ai fait que mon devoir, Monsieur, répondis-je humblement, comme l’exige le protocole.

Je trépignais intérieurement. Allais-je être récompensé ? Ce pourrait-il qu’on me gratifie d’une certification d’écrivain actif au sein du WI ? Aurais-je ce dont tout étudiant à l’Institut rêve en secret au fond de son lit, à savoir sa propre muse ? Mon pantalon me sembla soudain trop étroit de quelques tailles.

Robot Saïemonne reprit la parole de sa voix improbable :

— Nous avons envisagé de vous titulariser en récompense de votre dévouement…

Nous y sommes ! hurlais-je intérieurement de joie. Le grand maître continua, ignorant mon feu d’artifice intérieur :

— Cependant, nous sommes revenus sur notre décision. Car, M. Corlaix, vous avez commis une faute.

Il ne me fallut que quelques secondes muettes pour passer de la quasi-pâmoison à la panique pure. Je clignais des yeux au rythme où mon cerveau dérapait devant ce qu’il devait intégrer.

— Je ne comprends pas. La capture du Machkara a pourtant eu lieu, le conseil m’a retiré la responsabilité de…

— Il ne s’agit pas de cela, me coupa-t-il d’un geste sec de la main qui fit le même bruit qu’une lame effilée tranchant une gorge. Vous avez fait une faute.

Il se saisit alors d’un bloc de feuilles A4 reliées en livre par un anneau de plastique. Il ouvrit le tapuscrit pratiquement au milieu et y planta un doigt métallique avec assez de force pour faire grincer le plateau du bureau.

— Ici, tonna-t-il. Dans cette phrase. Une faute d’accord de temps sur ce verbe. Vous mélangez imparfait et passé composé dans une même phrase, cadet Corlaix. C’est impardonnable !

Je rougis de honte et de confusion. J’essayais en vain de balbutier quelque chose. Saïemonne ne me laissa pas le temps de rassembler mes esprits. Il me jeta mon texte que je rattrapais in extremis, et d’un doigt péremptoire, me congédia :

— Vous nous avez beaucoup déçus, cadet. Vous allez reprendre votre entraînement, je vous assigne un bootcamp Antidote de quinze jours pour vous faire prendre conscience qu’on ne rigole pas avec la conjugaison ici. Filez !

Autant pour mes rêves de gloire et de luxure. Je n’étais pas prêt. J’avais encore du chemin à faire pour rejoindre les rangs de l’élite walrusienne. Mais j’allais y arriver, coûte que coûte.

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