Amis américains, pardonnez-moi, mais vos producteurs ciné et télé sont vraiment cons, parce qu’en tant que spectateurs, vous êtes cons vous-mêmes. Voilà, c’est dit.
David Fincher, le réalisateur d’Alien³ et de Se7en (pour ne citer que ça) vient de signer avec HBO pour adapter la série anglaise Utopia créée par Channel 4.
Qu’un producteur américain recrée une série ou un film européen de langue non anglaise, je peux le comprendre, car il y a à minimum une langue à traduire, au maximum une transposition culturelle à effectuer. Même si le résultat est rarement probant, on peut accepter que –commercialement au moins– la démarche ait un intérêt.
Mais là où vraiment je trouve l’idée stupide, c’est d’adapter une série telle qu’Utopia.
Utopia, créée par Dennis Kelly et diffusée cette année sur Channel 4, est une série racontant les péripéties d’un groupe de personnes en possession d’un manuscrit du tome deux d’une bédé culte. Cet exemplaire, non publié, est censé prédire le pire désastre du siècle. Et ce groupe disparate découvre assez vite qu’il est devenu la cible d’une organisation secrète uniquement connue sous le nom de « Network ».
Scénario anxiogène, personnages glauques (oui, tous), mise en scène remarquable, parti-prit esthétique osé, acteurs irréprochables. Tout a fait de la saison une d’Utopia un objet télévisuel à la fois à part du reste de la production actuelle (bien que l’on puisse la mettre en parallèle de Sherlock sur certains aspects), et sans aucun doute une des meilleures surprises pour l’amateur blasé que je suis.
Alors pourquoi refaire ce qui touche déjà au presque sublime ? C’est là que ma compréhension de la mentalité nordaméricaine touche à ses limites. Je peux trouver des éléments d’explication ; tout simplement le spectateur lambda etasunien ne fonctionne, semble-t-il, que sur une codification stricte.
Essayez de mener l’expérience suivante : repassez-vous (mentalement ou, si vous avez le courage, réellement) une mosaïque d’images de séries américaines des cinq ou dix dernières années, tout genre confondu. Vous constaterez l’homogénéité de l’image type d’une série made in USA. Le cadrage, la lumière, la mise en scène, le jeu et le choix des acteurs. Tout est archi-charté.
Il est donc dans la logique d’un tel écosystème que la tentative de transfert d’une série européenne se passe sous la forme d’une assimilation, comme le fait un virus qui phagocyte une cellule pour en faire une autre cellule virale.
C’est une explication, mais pas une excuse. Car justement ce qui fait la force d’une série telle qu’Utopia (ou Real Human, ou Top of the Lake) c’est justement le fait qu’elle n’entre pas dans un carcan prédéterminé. Chaque épisode de cette série m’a emmené sur un chemin inconnu ; impossible de savoir qui va faire quoi, qui va trahir qui, qui va mourir, à quel moment le scénario va pirouetter dans une direction inattendue. Et c’est en grande partie ce que j’ai adoré.
Mais lorsque j’essaye d’imaginer la version américaine de cette série, je m’attend à retrouver une ou deux têtes connues dans un des rôles principaux, une musique conventionnée, une lumière made in L.A., un cadre digne du premier tâcheron sorti d’école, et très certainement un scénario largement allégé de toutes les sous-trames et complications psychologiques qu’un amateur de burger aurait du mal à suivre.
On me tape sur l’épaule pour me signaler que j’aurai tendance à faire preuve d’un léger racisme. Toutes mes excuses aux hamburgers, j’ai oublié les hotdog et le cola.
Néanmoins, comprenez tout de même que je trouve ce protectionnisme phagocytaire tout à fait idiot. Et puis, après tout, ce n’est que mon avis…
Note du futurfu :
6 ans après ce billet, je m’auto-rassure. L’adaptation n’a jamais vue le jour. Ouf.
Note du futur +2 jours :
Raté. L’adaptation a bien été tournée. Fincher n’est pas au commandes. John Cusack joue le rôle principal. La photo essaye de ressembler à l’original avec plein de lens flares, et… c’est totalement raté.