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Course Poursuite

Tout commence la semaine du 8 avril. Cherchant tout et n’importe quoi pour me maintenir à flots, tant professionnellement que pécuniairement, j’avais écumé à la fois les annonces des sites professionnels, relancé mes contacts et, en même temps, envoyé un mail de candidature spontanée à tout ce que je connaissais d’écoles de multimédia et d’audiovisuel.

Parmi les annonces auxquelles j’ai postulé, figure celle d’une entreprise appelée SLB, sise à Toulon, mais dont l’annonce situe l’offre à Marseille. Retenez bien, c’est important. Cette offre propose un poste de graphiste à tout faire responsable du département créatif, ou un truc comme ça.

Je ne le cache pas, l’annonce était très mal rédigée et ne donnait qu’une vague idée de ce qu’on attendait du candidat. Le candidat lui-même était mal défini également, puisqu’il devait à la fois prétendre avoir une expérience de 5 ans, mais être débutant, aguerri aux outils Adobe, mais à l’aise avec les logiciels libres.

Tout continue le vendredi 19 avril. Alors que nous sortions du parking Pasteur, je découvre qu’on a tenté de m’appeler durant le trajet (ô combien long et périlleux) Puyricard-Aix. Une fois dans la rue, j’écoute le message. Je ne comprends que peu de choses, tant le son est mauvais et la rue fait montre d’une réelle mauvaise volonté à me laisser écouter en paix le message. Je ne capte en fait que les mots suivants ; « … votre profil nous intéresse … », « … motion design … », « … démarrer rapidement …», et… c’est à peu près tout.

Fort heureusement, le numéro (un téléphone fixe, retenez ça, c’est important) dicté dans le message semble correspondre à celui affiché sur mon écran. Je vais donc pouvoir rappeler mon correspondant.

Nous nous rendions à l’Anticafé. Arrivé devant la façade, je dégaine mon téléphone et rappelle le numéro sus-cité. La personne décroche immédiatement, et se présente. Encore une fois, elle parle vite et je n’entends pas bien ; « Florian… (quelque chose)… ». Content que je l’appelle aussi vite, il me dit qu’il a besoin de mes services rapidement, que mon profil est bien et que si tout se passe bien, on pourrait commencer vite, idéalement, le 29 avril.

Je réponds du tac au tac que je serais absent du 25 au 3, mais qu’on peut voir pour s’arranger. Il me répond que parfait, est-ce qu’on peut se voir le mardi 23, disons à 10h30 ? Bah, parfait, répondis-je. Mais, je le prie de m’envoyer par mail l’adresse du rendez-vous, histoire de confirmer tout ça. Il me dit, pas de problème, qu’il m’envoie un mail immédiatement avec toutes les infos dedans. Parfait. Je raccroche, content. Et, vous aurez soin de retenir l’histoire du mail, c’est important également.

Le soir, de retour à la maison, j’ouvre ma messagerie et constate… l’absence totale de mail récapitulatif, comme promis dans le paragraphe juste au-dessus. Bon, un peu inquiet, mais sans plus, je fouille les spams. Puis les autres boites mail. Puis les spams des autres boites mail.

Rien.

Totalement, complètement rien.

Il est 17 heures, mais je rappelle le numéro (fixe, vous vous souvenez ?) et je tombe directement sur le répondeur. Je laisse un message, expliquant que bon ben voilà, pour mardi c’est OK, mais où ?

Et c’est là que repose le superbe twist de cette (longue) histoire : je suis persuadé que la société qui cherche à me voir est celle pour laquelle j’ai postulé ; la fameuse SLB.

Je passe donc un weekend prolongé1 à chercher les coordonnées de cette entreprise.

Sise à Toulon (siège social), c’est une entreprise qui organise le sponsoring d’événements de voile nautique. Sympa. Mais, je tourne en rond. La seule adresse est celle du siège à Toulon, et les autres annonces2 situent la demande sur Marseille. Mais bernique, aucune info plus précise, aucun moyen d’entrer en contact avec l’entreprise. Et, quand bien même ; on est en plein weekend de trois jours…

Je finis par me faire une raison, et me dis ceci : mardi matin, dès potron-minet3 je file à Marseille. En me débrouillant bien, malgré les bouchons, je peux être à 9 heures à la gare St Charles. De là, à priori il sera largement l’heure que quelqu’un soit proche du seul téléphone fixe dont j’ai le numéro, et j’aurai 1h30 devant moi pour rallier n’importe quel point de Marseille. Tranquille.

Mardi, 6h30, je file à l’arrêt du Village, saute sur le 11, m’installe, me fais tasser les lombaires sur les routes albanaises entre Puyricard et Aix, et descend à la Rotonde. Je file ensuite à la gare routière, localise le prochain départ pour Marseille St Charles, monte dans un magnifique bus de tourisme à deux étages, paye mon obole de 10€ pour un aller-retour. Je vais me nicher dans un fauteuil, et me laisse doucement bercer par la route.

Je débarque à St Charles à 8h30. Record battu, je crois.

Je tourne un moment dans le hall, et je finis par me tanquer au comptoir de ce qui ressemble le plus à un café (ce qui exclut d’emblée l’autre concurrent ; McDo), devant un petit pain au chocolat industriel, et un gobelet de café pareillement.

J’attends patiemment l’heure en discutant avec moi-même sur le scénario que je monte dans ma tête, rejouant les scènes du futur entretien d’embauche.

S’ils me demandent si je sais parler anglais, je m’imagine un laïus élaboré comme quoi je suis assez bon à l’écrit pour avoir traduit quelques nouvelles et jeux pour portables, mais que mon oral est un peu rouillé faute de pratique.

S’ils me demandent si je m’y connais en sports nautiques, je répondrai que j’ai fait de l’Optimist au collège, et du kayak de mer il y a quelques années. Et, saoulé par mes élucubrations, le temps préfère passer…

9 heures pétantes. Je quitte le café et me dirige tranquillement vers l’esplanade. Le temps d’y arriver (ce qui prend normalement bien 30 secondes), quelques diplomatiques minutes sont passées. J’appelle. Répondeur.

9h05. J’appelle. Répondeur.

9h10. J’appelle. Répondeur.

9h20. J’appelle. Répondeur.

9h25. J’appelle. Répondeur. Je laisse un message.

Puis, je rentre parce que le ciel, déjà pas très sympathique, semble avoir des velléités de tourner à l’orage. Je me pose sur un banc, et cherche à m’occuper en attendant soit un appel, soit l’heure de me dire « Bon c’est mort, je me casse » (heure que j’ai située dans une fourchette allant de 11 heures à 17 heures).

9h45. Enfin, mon téléphone vibre. Je décroche et c’est donc Florian hmblhmblnova qui me salue. Il me dit :

Je vous ait envoyé un mail hier soir. L’adresse est au 2 rue Le Corbusier, immeuble Centrex, vous verrez, on nous trouve facilement. À tout à l’heure.

Yeeeee !

J’invoque, par la magie de l’haptique, l’application Maps, et cherche où dans Marseille, se trouve la rue Le Corbusier. OK, c’est avenue Le Corbusier. OK (soupir) c’est à l’autre bout de Marseille. Je me dis que venir tous les jours de Puyricard à Marseille, puis traverser toute la ville (une douzaine de kilomètres à vol de voiture) allait me coûter cher en temps et en abonnement.

Bon. Allons-y…

Un sursaut de neurones me fait vérifier quelque chose :

« Je vous ai envoyé un mail hier soir… »

Je reprends mon portable, et parviens, non sans mal, à accéder à mon webmail. Je réussis à consulter le fameux mail et je découvre effectivement l’adresse exacte : 2, rue Le Corbusier… déjà…

2, rue Le Corbusier
13090, Aix en Provence

Aix-en-Provence. Putain… Purée !

Pas Marseille, cong, mais Aix-en-Provence ! Je suis frustration, je suis panique, mais surtout, je suis à Marseille et à une demi-heure de mon entretien !

Je file aux départs des bus.

Chance : un bus pour Aix est prêt à partir.

Je ne somnole pas sur le retour parce que je ne peux m’empêcher de scruter l’horloge. Et la pluie battante qui cingle le pare-brise. Le bus se gare à 10h30 précisément à la gare routière.

Je file, en suivant le GPS que j’avais réglé durant le trajet. Chance : C’est à cinq minutes à pied.

Chance : il ne pleut pas encore.

Malchance : physiquement, je suis vraiment rouillé.

Arrivé à l’adresse, je me trouve devant un tas d’immeubles potentiellement de bureaux. Je ne vois de nom nulle part.

Chance : une petite dame me voit tourner en rond comme une particule chargée électriquement, et m’interpelle, me demandant ce que je cherche.

— Je cherche le 2, Le Corbusier
— Ah, c’est par là… (elle m’indique une direction)
— On m’a dit, le « Centraix ».
— Ah, c’est par ici… (elle me montre la direction opposée)

Finalement, je trouve le Centraix. Immeuble de bureaux sur trois étages. Je regarde les plaques, et je ne vois nulle part la mention d’une boite qui s’appellerait SLB, ou qui s’approche d’un truc de voile. À part deux-trois trucs liés au médical, ce qui domine s’appelle Ynov, pépinière, coworking et école de graphisme et multimédias. Déboussolé, je vois le mot «pépinière» et je me dis que bah, SLB est peut-être hébergé là. Ça arrive. On a vu plus foufou…

10h45. Je monte les deux étages, je me perds dans les couloirs, tous estampillés Ynov, et je finis par rappeler Florian pour lui dire que

  1. je suis désolé
  2. je suis dans le Centraix et
  3. je suis perdu, roulé en boule au pied d’une porte au fond d’un couloir anonyme.

Enfin ! Je rencontre mon contact. Enfin, je peux m’asseoir dans une petite salle de réunion, enfin je sors de quoi noter, pour masquer ma tentative d’endiguer un AVC. Et Florian attaque la conversation.

Il m’explique qu’il a vu ma bande démo, et qu’il est donc très intéressé par mon profil. Il a besoin d’un pro pour récupérer une classe de 22 élèves et terminer leur cursus de cette année. Et, si tout va bien, j’intègre le pool des professeurs et ferai un cursus complet l’année prochaine.

Je manque de l’interrompre pour lui faire remarquer que je n’ai aucune compétence à enseigner la voile. Et, enfin, aussi tard que cela dans l’histoire4, je réalise que mon rendez-vous n’a absolument rien à voir avec la SLB et la voile.

Ynov est l’une des écoles à laquelle j’avais postulé. Il m’avait recontacté, et dans le hasard du calendrier, j’avais bêtement et sans réelle base concrète, lié cet appel à ma candidature chez SLB.

J’ai donc fait un aller-retour express à Marseille, stressé un poil et paniqué un cheveu, pour finir avec la charge de récupérer une classe de motion design pour la fin de l’année scolaire.

Et, vous savez ce qui m’a le plus frustré ?

Je n’ai, encore une fois, pas eu l’occasion d’essayer les trottinettes marseillaises…


  1. C’est le lundi de Pâques, pour vous situer…↩︎

  2. Oui, j’en ai trouvé des tas pour pas-tout-à-fait le même poste.↩︎

  3. Ça faisait combien de temps que vous ne l’aviez pas entendu, cette expression ?↩︎

  4. Car j’imagine que vous aviez depuis longtemps assemblé les pièces du puzzle…↩︎

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