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ICO, le roman

Un peu de lecture entre deux lectures

ICO, le jeu

ICOICO

ICO est un jeu sorti sur Sony PlayStation 2 en 2001. Réalisé par Fumito Ueda, il est remarqué autant par la critique que par le public pour l’originalité de son traitement, tant sur le design, le gameplay que l’atmosphère. Ce ressenti se prouve jusqu’à la jaquette du jeu, dessinée par Ueda lui-même.

Jaquette japonaise et européenne du jeuJaquette japonaise et européenne du jeu

Il s’agit de ce qu’on appellerait maintenant un puzzle platformer ; un jeu d’aventure, d’énigmes, d’exploration et d’escalade…

Le joueur incarne, Ico, un enfant né avec des cornes. L’intro du jeu nous le montre prisonnier, escorté par un prêtre et deux soldats, vers un immense château en bord de mer. Là, il est enfermé dans un sarcophage de pierre, comme sacrifié. Un tremblement de terre détruit le sarcophage et libère Ico. À partir de là, le joueur peut partir en exploration.

(À voir pour le fun : l’introduction du jeu en HD (remake sur PS4))

La salle des sarcophagesLa salle des sarcophages

Très vite, il va découvrir une jeune fille, Yorda, enfermée dans une cage. En la libérant, il se retrouve confronté à des nuées de monstres faits de fumée noire qui n’auront de cesse de s’emparer de Yorda.

Le jeu a marqué par plusieurs points forts. Sa narration muette1, qui laisse au joueur le travail de recomposer l’histoire par des indices intégrés à la mise en scène et aux décors, l’absence totale d’interface (aucune jauge, aucun compteur), et le personnage de Yorda lui-même, contrôlé par le code du jeu, mais qui semble avoir sa propre autonomie, ses propres idées, voire ses propres émotions.

Ico contre les SacrifiésIco contre les Sacrifiés

Fumito Ueda a créé par la suite deux autres jeux en relation (parfois distante) avec ICO ; Shadow of the Colossus2, qui s’avère être une lointaine préquelle à ICO, et The Last Guardian3, qui — à priori — ne partage avec les deux autres que l’univers dans lequel les jeux prennent place4.

ICO, le roman

En fin d’année dernière, alors que j’attendais l’heure de démarrer mon petit atelier à l’Antre de Calliopée, en dégustant un thé noir et l’une ou l’autre des indécentes pâtisseries que le lieu propose, mon regard est attiré par une couverture.

Le livre est posé sur la partie basse d’un présentoir, à peine visible sauf par accident. Ce qui m’attire l’œil, c’est qu’il ne s’agit pas — pour moi — d’une couverture de roman, mais de jeu…

Les deux tomes, et le jeu (collection personnelle)Les deux tomes, et le jeu (collection personnelle)

Je me saisis de l’ouvrage et je découvre, avec une grande surprise et un petit sourire, qu’il existe un roman sur le jeu ; ICO, le château dans la brume, signé par l’auteure Miyuki Miyabe5 et paru aux éditions Ynnis6.

Je n’ai trouvé que peu d’infos sur Miyuki Miyabe, si ce n’est la liste de ses œuvres sur sa page Wikipédia. Ce qui est flagrant, c’est qu’elle semble spécialisée dans la novellisation de jeux et mangas.

Les éditions Ynnis, quant à elles, sont spécialisées dans les ouvrages tournant autour des univers de pop culture, et particulièrement des séries et mangas. Pêle-mêle j’y ai vu des romans Startrek, Firefly, des « épisodes » de Kiki la petite sorcière, et même une novellisation du film Labyrinth de Jim Henson.

Ico et Yorda, perdus dans le châteauIco et Yorda, perdus dans le château

Le livre à la main, je constate qu’il est fait mention sur la couverture du « Livre Premier ». Inquiet d’avoir à faire avec une série, je demande à Mathilde si elle a les autres tomes. Après une courte recherche, elle me dit qu’il n’y en a qu’un autre. Je me dépêche de le commander.

Quinze jours plus tard, je sors de l’Antre après la séance de Scribulerie avec mes deux tomes d’ICO dans le sac.

Lecture terminée, quel est le verdict ?

Mitigé, mais positif.

Plusieurs choses m’ont laissé dubitatif. D’abord la volonté d’éditer l’histoire en deux tomes. Chaque livre fait moins de 300 pages, le texte étant imprimé en taille assez large. Après lecture, on imagine facilement cumuler l’ensemble dans un seul tome. D’autant que rien dans la narration ne justifie deux livres distincts7.

Le style m’a également laissé perplexe. Comme pour toute traduction d’une langue que je ne maîtrise absolument pas et qui peut engendrer des incompatibilités de style, j’ignore à quel point la patte littéraire de l’auteur est fidèle ou trahie.

Mais, le fait est que l’écriture a un côté assez naïf, voire enfantin par moments. Des choix de vocabulaires sont étranges, comme lors d’un moment assez dramatique, l’auteur dit des jambes du personnage qu’elles font trempettes dans la mer

J’avoue que ces éléments de style particuliers m’ont parfois fait sortir de l’histoire.

Le château dans la brumeLe château dans la brume

Cependant, là où ce double-demi-roman est intéressant, c’est qu’il est parvenu à atteindre deux buts.

On sait toute la difficulté d’adapter un objet vidéoludique sur un autre format. Le cinéma passe son temps à échouer plus ou moins lamentablement, et en général, les romans peinent à proposer quelque chose d’intéressant.

Or, là j’ai trouvé que l’univers, l’atmosphère du jeu de Ueda était complètement respecté, sur deux plans.

D’abord sur le parcourt de jeu lui-même. Toute la première moitié du premier tome, et la seconde moitié du second tome, on suit très facilement tout le parcourt du jeu. On y retrouve les moments clés et certains lieux importants de cette fameuse narration environnementale. Qui plus est, le fond de l’histoire donné par le roman les éclaire sous un nouveau jour.

L’autre point de réussite, c’est justement le fond de l’histoire. Bien entendu, par la nature même de la mise en scène de son jeu, Ueda ne donne aucun passé à ce qu’on y découvre. Dans le jeu, rien n’est dit de l’enfance d’Ico, de l’histoire du château, du destin tragique de Yorda ou de qui est la reine noire.

La reine noireLa reine noire

Le roman se permet de nous raconter tout cela. Et, il faut reconnaître que ça se tient. Je ne vais, bien entendu, rien spoiler8. Mais apprendre l’histoire d’Ico et de sa famille jusqu’à ce qu’on le conduise au château, découvrir la vie au château avant la malédiction, comprendre les tenants et les aboutissants des pouvoirs en lutte, c’était rafraîchissant.

Là où je trouve le scénario malin, c’est qu’il parvient à rester intégralement fidèle au jeu, tout en ajoutant un décor plus ample et des raisons aux personnages qui éclairent toute l’histoire sous un nouveau jour. Tout cela sans gâcher les souvenirs qu’on peut avoir du jeu.

Addentum : après avoir revu la cinématique de fin du jeu, il s’avère que les événements finaux sont différents entre le jeu et le livre, la résolution de ce dernier étant enrichi d’éléments narratifs absents du jeu. Mais ça ne gâche rien.

Je pense (ça serait logique) que l’auteure a travaillé directement avec Fumito Ueda sur la scénarisation de l’histoire. Seule chose intriguante, c’est que le roman (publié en 2008) est sorti trois ans après Shadow of the Colossus. J’avoue que je m’attendais à ce qu’il y ait une connexion9, ou tout au moins un clin d’œil, mais l’histoire du personnage de Ozuma10 semble quelque peut contredire l’idée.

En conclusion

Je n’ai pas regretté ma lecture. J’ai pris plaisir à replonger11 dans l’univers étrange et envoutant créé par Ueda, et j’avoue que j’aime voir les tranches des deux tomes et du jeu côte à côte.

Néanmoins, ce n’est pas ce que je peux appeler un roman incontournable, que l’on connaisse le jeu ou non.

Je conseille d’ailleurs de ne pas le lire sans avoir joué (et apprécié) le jeu avant tout. Je pense que sans les images et les souvenirs du jeu, la lecture de ce livre n’a aucun intérêt.

Seul petit regret final : à ma connaissance, il n’y a pas eu de romans du même genre édités autour de Shadow of the Colossus ni The Last Guardian. Dommage.

ICO, le Château dans la brume (tomes 1 & 2) de Miyuki Miyabe, traduit du japonais par Yacine Zerkoun, publié aux éditions Ynnis ISBN : 978-2376972457 / 978-2376972884


Ico et YordaIco et Yorda



  1. On parle maintenant de narration environnementale.↩︎

  2. Sorti en 2006 sur PS2. Il a fait l’objet d’une réédition mise à jour sur PS3 en 2011, accompagné d’une nouvelle version améliorée de ICO. Il y a également une réédition sortie en 2016 sur PS4.↩︎

  3. Sorti en 2016 sur PS4.↩︎

  4. En creusant, il y a pourtant énormément de points communs entre les trois titres, mais ça fait partie du charme mystérieux de la trilogie.↩︎

  5. Que je ne connais pas.↩︎

  6. Que je ne connais pas.↩︎

  7. Même si l’articulation entre les tomes est utilisée, et de manière assez maline, mais sans être un élément important.↩︎

  8. Même si vous avez joué au jeu, la fin n’a pas la même ampleur.↩︎

  9. Dans Shadow of the Colossus, on découvre que Wander, le personnage principal est le premier à subir la malédiction des enfants à cornes, dont Ico serait le descendant lointain.↩︎

  10. Un chevalier mystérieux portant lui aussi des cornes.↩︎

  11. J’ai même été chercher un émulateur pour rejouer à ICO et SotC↩︎

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